Messages obscènes à une salariée d’une entreprise cliente
Il y a plus de 25 ans, la Cour de cassation a dit que les agissements d’un salarié dans sa vie personnelle ne peuvent pas justifier un licenciement pour faute (1).
Mais ensuite, la jurisprudence a apporté, jusque récemment, des précisions sur ce qui relève ou non de la vie personnelle. Dans cette jurisprudence, la Cour de cassation s’est prononcée dans une affaire concernant un salarié ayant envoyé des messages obscènes à connotation sexuelle à une salariée d’une entreprise cliente.
Le licenciement pour faute grave pour envoi de messages à connotation sexuelle à une salariée d’une entreprise cliente
Un salarié exerçant comme conducteur de poids lourd hautement qualifié, depuis 19 ans dans la même société, a adressé des messages à connotation sexuelle à une salariée d’une entreprise cliente. Cette entreprise a alors interdit l’accès à son site au conducteur poids lourd.
L’employeur du conducteur a, de ce fait, considéré que son comportement injurieux à l’égard d’une salariée d’un partenaire commercial, avait pour conséquence d’entrainer un trouble caractérisé dans l’entreprise. Aussi l’employeur a procédé au licenciement pour faute grave de son salarié par lettre du 16 mars 2016.
Le contentieux suite au licenciement pour faute grave motivé par les messages à connotation sexuelle à une salariée d’un partenaire
Le salarié licencié a saisi la juridiction prud’homale. Mais le jugement du conseil de prud’hommes ne lui a pas été favorable. Ensuite la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement de première instance (arrêt du 5 février 2021).
Le salarié a alors formé un pourvoi contre cet arrêt. Selon lui, la Cour d’appel a eu tort de dire bien fondé son licenciement pour faute grave et, par suite, de l’avoir débouté de ses demandes.
L’argumentation du salarié
Pour le salarié, les messages à caractère obscène à connotation sexuelle relevaient de sa vie personnelle et par conséquent l’employeur ne pouvait pas le sanctionner.
Depuis plus de 25 ans, la Cour de cassation considère que les agissements d’un salarié dans sa vie personnelle ne peuvent justifier un licenciement pour faute (2)
Le salarié s’est appuyé sur cette jurisprudence de la Cour de cassation. Ainsi, il a notamment affirmé qu’un fait de la vie personnelle du salarié, même s’il occasionne un trouble dans l’entreprise, ne peut justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de celui-ci à une obligation découlant de son contrat de travail.
Selon lui, ce qui lui était reproché était étranger à ses fonctions, relevait de sa vie personnelle et ne constituait pas un manquement à ses obligations professionnelles. Donc, cela ne pouvait pas justifier une sanction disciplinaire.
Il prétendait, aussi, que le seul fait d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une personne extérieure à l’entreprise (fût-elle salariée d’un partenaire commercial), sans qu’il en résulte un préjudice pour celle-ci, ne caractérise pas un comportement rendant impossible son maintien dans l’entreprise.
Par ailleurs, il aurait fallu, selon lui, tenir compte de ses qualités professionnelles et de ses antécédents en matière disciplinaire, pour apprécier le degré de la faute éventuelle. Et il mettait en avant son comportement antérieur, exempt de tout reproche depuis son embauche :
- entière satisfaction donnée à son employeur,
- comportement respectueux à l’égard des autres salariés,
- absence de la moindre sanction disciplinaire en près de vingt ans d’ancienneté
- et travail consciencieux participant au développement de l’entreprise.
La position de la Cour de cassation
Elle rejette le pourvoi et valide la décision de la cour d’appel.
La Cour de cassation a relevé que l’intéressé :
- s’était trouvé en relation avec une salariée d’une entreprise cliente dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail.
- avait eu ainsi connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles
- et en avait fait un usage abusif en lui adressant des messages à caractère obscène.
Par conséquent, la Cour a considéré que les propos à caractère sexuel à l’égard de la salariée, avec laquelle il était en contact exclusivement en raison de son travail, ne relevaient pas de sa vie personnelle.
La Cour de cassation a conclu que la cour d’appel qui avait « relevé le comportement injurieux à l’égard d’une salariée d’un partenaire commercial [et qui] n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu en déduire qu’il rendait impossible la poursuite du contrat de travail ».
Par ces motifs, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié et ainsi validé le licenciement pour faute grave.
(Cour de cassation, chambre sociale,12 juillet 2022, Nº : 21-14.777).
Conclusion :
Les messages obscènes à caractère sexuel ne relèvent pas de la vie personnelle du salarié, dès lors qu’une relation avec le travail est établie. En l’espèce, la salariée destinataire des messages à connotation sexuelle appartenait à une entreprise cliente. Et le salarié licencié s’était trouvé en relation avec elle et avait eu connaissance de ses coordonnées téléphoniques professionnelles dans le cadre de son travail.
(1) Cour de cassation, chambre sociale, 14 mai 1997, N ° : 94-45.473 et du 16 décembre 1997, N° : 95-41.326.
(2) Cour de cassation, chambre sociale, 14 mai 1997, N° : 94-45.473 et du 16 décembre 1997, N° : 95-41.326.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et dernièrement éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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