Ebriété d’un chauffeur de poids lourd

Un chauffeur de poids lourd, dont l’état d’ébriété au volant d’un véhicule de l’entreprise avait été constaté par la gendarmerie, pendant son temps de travail, a été licencié pour faute grave. Les juges ont approuvé le licenciement pour faute grave.

Le contexte du licenciement pour faute grave

Un chauffeur de poids lourd ayant une ancienneté de trois ans a fait l’objet d’un contrôle de son alcoolémie par les services de gendarmerie, un matin à 9h15, alors qu’il conduisait un véhicule de l’entreprise. Le contrôle a révélé une imprégnation éthylique positive (avec deux relevés à 0,43 et 0,41 mg). Or, il est interdit de conduire avec une alcoolémie supérieure à 0,5 g d’alcool par litre de sang (soit seulement 0,25 mg d’alcool par litre d’air expiré). La gendarmerie a alors procédé au retrait immédiat du permis de conduire.

Le contrat de travail du chauffeur poids lourd indiquait dans une rubrique « véhicule » : « il est convenu que toute faute notamment conduite en état d’ivresse entraînera une procédure disciplinaire suivie ou non d’un licenciement ». Par ailleurs, une note de service rappelait l’interdiction de pénétrer dans l’entreprise en état d’ivresse, d’y introduire ou d’y consommer des boissons alcoolisées ou des stupéfiants.

Après un arrêt de travail de plus de deux mois du salarié, son employeur a procédé de son licenciement pour faute grave.

La lettre de licenciement pour faute grave adressé au salarié, a exposé que : « le 3 mars à votre arrivée à l’entreprise, et alors que vous deviez intervenir sur différents chantiers, il a été constaté que vous étiez dans un état d’ébriété élevé rendant totalement impossible l’exécution de vos tâches ainsi que la conduite du véhicule. Vous avez été contrôlé par la gendarmerie ; un procès-verbal d’infraction vous a été dressé et vous avez fait l’objet d’une rétention immédiate de votre permis de conduire ».

Le contentieux et la cassation : ébriété au volant, faute grave caractérisée

Le chauffeur poids lourd licencié a saisi le conseil de prud’hommes. Mais, le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel de Limoges ont considéré que la faute grave était caractérisée par le comportement du salarié. Ce comportement constituait une violation de ses obligations contractuelles et entraînait une importante désorganisation de l’entreprise. La désorganisation de l’entreprise  résultait du fait qu’il était le seul chauffeur à pouvoir approvisionner les chantiers. De plus, le comportement du salarié constituant  un danger pour lui-même et pour les tiers pouvait entraîner une mise en cause de la responsabilité de l’employeur.

Le salarié décide alors de se pourvoir en cassation pour contester l’arrêt de la cour d’appel, qui a dit son licenciement pour faute grave justifié et l’a débouté de ses demandes. Le salarié affirme qu’il serait arrivé à 7 heures, aurait été vu par l’employeur à 7 heures 15 et serait alors parti au dépôt avec un autre salarié pour effectuer le chargement de la marchandise à livrer puis aurait attendu une instruction pour partir vers 9 h ou 9 h10 faire les livraisons, quelques minutes avant d’être contrôlé par la gendarmerie. Selon cette version, l’employeur, qui avait une obligation de sécurité de résultat, n’aurait pas dû le laisser prendre le volant, après avoir constaté son état d’ébriété. L’argumentation du salarié s’appuie sur une interprétation de la lettre de licenciement (laquelle fixe légalement les limites du litige) selon laquelle l’employeur aurait constaté l’état d’ébriété à son arrivée dans l’entreprise.  Le salarié en déduit que la cour d’appel a modifié les termes du litige.

La version des faits retenue par la Cour d’appel était tout autre. Celle-ci avait, en effet, retenu que les affirmations du salarié sur les horaires auxquels il aurait été vu par l’employeur était contredite par les disques chronotachygraphes, selon lesquels le camion n’avait roulé qu’à partir de 8 h15, et par les attestations de trois autres salariés, présents au dépôt le jour des faits de 7 h à 7 h 40 et qui n’avaient pas vu le chauffeur poids lourd dans la société à ce moment-là. Avec cette autre version des faits, la lettre de licenciement s’interprète différemment : le salarié venait d’arrivé à son travail lorsqu’il a été constaté par les gendarmes, et non par l’employeur, qu’il était en état d’ébriété.

Pour motiver son pourvoi, l’ancien chauffeur poids lourd a aussi prétendu que la véritable cause du licenciement serait son état de santé déficient qui l’avait amené à être hospitalisé plusieurs fois avant le licenciement et que la cour d’appel a privé sa décision de base légale en s’abstenant de vérifier la vrai cause du licenciement, ainsi qu’elle y était invitée.

La Cour de cassation a définitivement tranché en rappelant que la cour d’appel, qui apprécie souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui sont soumis, a constaté :

  • que la version donnée par le salarié était fausse,
  • que le salarié était informé du risque de licenciement qu’il encourait en cas de conduite en état d’ivresse,
  • et que le comportement du salarié constituait une violation manifeste de ses obligations contractuelles.

Dans ces conditions, la cour de cassation,  rejetant le pourvoi, a considéré que la cour d’appel avait, « sans modifier les termes de litige, pu décider, excluant par là-même toute autre cause de licenciement, que ce comportement était de nature à rendre impossible son maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave » (Cour de cassation, chambre sociale, 30 septembre 2013, N°: 12-17182).

Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

Résumé : Un chauffeur de poids lourd est contrôlé positif par la gendarmerie. Il prétend que son employeur l’avait vu et aurait dû l’empêcher de prendre le volant. La lettre de licenciement peut laisser croire à cette version. Mais, cette version ayant pu été démentie, la faute grave est reconnue par les juges jusqu’à la Cour de cassation.

Cette affaire montre d’une part que le licenciement pour faute grave sanctionne légitimement l’ébriété au volant d’un véhicule de l’entreprise et, d’autre part, que la lettre de licenciement doit être rédigée par l’employeur avec la plus grande attention, en évitant tout risque de mauvaise interprétation. Un avertissement du salarié sur les interdictions dans le contrat de travail, le règlement intérieur, ou des te de service, présente aussi une grande importance.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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