Vie privée ou vie de l’entreprise

Motif tiré de la vie privée ou rattachement à la vie professionnelle – Jurisprudence de la Cour de cassation du 16 janvier 2019Un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire, que s’il se rattache à la vie professionnelle. Ceci peut résulter d’un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail, ou à un trouble dans le fonctionnement de l’entreprise. Dans un arrêt du 16 janvier 2019, la Cour de cassation a donné un nouvel exemple de rattachement à la vie professionnelle en constatant un manquement manifeste à l’obligation de loyauté, justifiant un licenciement pour faute grave.

Contexte de l’escroquerie et du licenciement pour faute grave

Deux salariés, l’un conseiller santé et l’autre superviseur d’une équipe de conseillers santé, ont établi des fausses factures de soins dentaires. Puis, ils ont présenté ces fausses factures de soins à l’organisme assurant la couverture de frais de santé des salariés de l’entreprise.

L’employeur, la société Santéclair a pour activité d’offrir des services aux organismes d’assurance complémentaire de santé. La société propose des prestations destinées à diminuer le reste à charge de leurs assurés.

Le salarié, conseiller santé, traitait des courriers et appels téléphoniques d’assurés pour le compte des organismes d’assurances complémentaires. Ces courriers et appels portaient sur des devis de soins établis par des professionnels de santé du réseau Santéclair et des demandes de remboursement de soins sur justificatifs. La salariée, superviseur, encadrait une équipe de conseillers santé assurant les mêmes fonctions que le premier salarié.

Les deux salariés ont été licenciés pour faute grave par lettre du 31 juillet 2013.

Litige : l’escroquerie relève-t-elle de la vie privée ou de la vie de l’entreprise ?

Les salariés ont saisi la juridiction prud’homale pour contester leur licenciement pour faute grave.

Etant donné la faute et le contexte, le débat entre les parties devait tourner autour du principe selon lequel un motif tiré de la vie privée du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il se rattache à la vie professionnelle, notamment s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.

L’arrêt de la cour d’appel

La Cour d’appel de Versailles a débouté les deux salariés.

En résumé, la cour d’appel a relevé, dans ses arrêts, que les escroqueries avaient été commises au détriment de partenaires et clients de l’entreprise. Elle a aussi considéré que les falsifications avaient été faites à partir de documents que les salariés manipulaient dans le cadre de leurs fonctions et manifestement grâce à la connaissance acquise dans le cadre de leur travail.

Elle en a conclu que les faits en cause se rattachaient à la vie professionnelle et non à la vie personnelle et que ces faits constituaient un manquement manifeste à l’obligation de loyauté envers l’employeur découlant du contrat de travail. (Arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 18 janvier 2017).

Les salariés faisant grief aux arrêts de la cour d’appel d’avoir retenu que le licenciement était fondé sur une faute grave et d’avoir rejeté leurs demandes d’indemnités, ont chacun formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation dit que les faits fautifs se rattachent à la vie de l’entreprise

Vu leur connexité, la Cour de cassation a joint les pourvois des deux salariés.

La cour de cassation a d’abord rappelé que la cour d’appel avait relevé :

  • que les faits reprochés avaient été commis à l’encontre de l’organisme d’assurance complémentaire de santé des salariés, auquel l’employeur versait la part patronale de cotisations ;
  • que cet organisme était aussi l’un des principaux clients de l’employeur ;
  • que le praticien également victime des deux salariés, était également membre du réseau de l’employeur ;
  • et que les falsifications avaient été réalisées à partir de factures similaires et de demandes de remboursement de soins, que manipulaient les deux salariés dans le cadre de leurs fonctions et manifestement grâce aux connaissances acquises dans le cadre de leur travail.

Sur cette base, la Cour de cassation a approuvé la cour d’appel d’avoir jugé que les faits reprochés « se rattachaient à la vie de l’entreprise et constituaient, compte tenu des fonctions assumées par les salariés, un manquement manifeste à l’obligation de loyauté et pouvaient justifier un licenciement disciplinaire ».

Sur ces considérations, la Cour de cassation a rejeté les pourvois des deux salariés.

(Cour de cassation, chambre sociale, 16 janvier 2019, N° : 17-15002 17-15003).

Conclusion :

L’activité de l’entreprise, le fait que les victimes de l’escroquerie soient partenaires et clients de l’employeur et les fonctions des salariés fautifs ont été pris en compte pour déterminer que les agissements fautifs se rattachaient à la vie de l’entreprise et constituaient un manquement manifeste à l’obligation de loyauté justifiant un licenciement pour faute grave.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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