La lettre de licenciement pour faute grave
La lettre de licenciement pour faute est un élément essentiel de la procédure. Dans le cas de la faute grave ou de la faute lourde, elle marque la rupture du contrat de travail sans préavis. La lettre de licenciement doit indiquer le motif du licenciement. Cependant, depuis le 18 décembre 2017, l’employeur peut préciser les motifs dans un délai limité après la lettre de licenciement. S’agissant d’un licenciement pour faute grave ou pour faute lourde, la charge de la preuve incombe au seul employeur.
La notification du licenciement
Selon le code du travail, « le licenciement doit être notifié par l’employeur, « par lettre recommandée avec avis de réception » (Article L1232-6 1er alinéa).
La notification est encadrée au niveau des délais pour l’envoi de la lettre de licenciement pour faute, faute grave, ou lourde.
Nécessité de l’écrit pour la lettre de licenciement
Un licenciement qui serait notifié verbalement, avant l’envoi de la lettre de licenciement, ou sans lettre de licenciement, sera juridiquement sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, mardi 23 juin 1998, N°: 96-41688). Le salarié pourra donc obtenir des dommages et intérêts.
Par contre, quand la lettre de licenciement est déjà partie en recommandée, il devient possible d’annoncer le licenciement oralement à un salarié, qui ne l’a pas encore reçue. Cependant, l’employeur devra attendre le lendemain de l’envoi en recommandé, afin de pouvoir prouver l’antériorité de l’envoi postal sur l’information orale.
La jurisprudence reconnait la validité de divers modes écrits de notification
Par ailleurs, malgré le texte du code du travail, d’autres moyens écrits que la lettre recommandée avec AR sont possibles. Ainsi selon la Cour de cassation, une notification par voie d’huissier, ou par remise en main propre sont valables. La Cour considère, en effet, que la lettre recommandée avec avis de réception « n’est qu’un moyen légal de prévenir toute contestation sur la date de notification du licenciement » (Cour de cassation, 8 novembre 1978, N°: 77-40249 et 7 juillet 2010, N°: 08-45139). Cependant l’existence d’une preuve de la notification du licenciement est toujours absolument nécessaire.
Une transaction ne peut pas précéder la lettre de licenciement
Par ailleurs, soit pour éviter un contentieux après le licenciement, soit parce qu’ils se sont entendu sur un licenciement amiable, l’employeur et le salarié peuvent souhaiter signer une transaction. Dans ce cas, il est obligatoire que l’employeur notifie le licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception, à une date antérieure à celle de la transaction. La Cour de cassation considère, en effet, qu’une transaction concernant la rupture du contrat de travail, « ne peut être valablement conclue qu’après notification du licenciement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception » (Cour de cassation mardi 18 février 2003, N°: 00-42948).
Un modèle de lettre de licenciement pour faute
Un modèle de lettre de licenciement pour faute (sérieuse, grave, ou lourde) est disponible. Il figure en annexe d’un décret d’application d’une des ordonnances réformant le droit du travail, publié le 30 décembre 2017.
La notification doit être explicite et motiver le licenciement
Le contenu de la lettre de licenciement revêt une extrême importance.
Faute grave ou faute lourde
Lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour faute grave ou lourde, l’employeur doit l’écrire explicitement. Ainsi, il précisera que le comportement fautif du salarié rend impossible la poursuite de son activité au service de l’entreprise, même pendant un préavis. Et il ajoutera qu’il lui notifie son licenciement pour faute grave ou lourde, sans préavis ni indemnité de rupture. Ensuite, il précisera que la rupture du contrat de travail prend effet immédiatement. C’est à dire à la date d’envoi de la lettre de licenciement. Enfin, il pourra préciser dans la lettre que le salarié cesse immédiatement de faire partie de l’entreprise.
La lettre de licenciement doit énoncer les motifs du licenciement
« Cette lettre comporte l’énoncé du ou des motifs invoqués par l’employeur » (code du travail article L1232-6 2ème alinéa).
Ainsi, l’employeur doit indiquer, dans le texte de la lettre, ses motifs de licencier le salarié. Malgré la réforme du licenciement de fin 2017, il a intérêt à le faire de manière la plus précise et exhaustive possible, en exposant les faits reprochés.
L’employeur doit aussi expliquer pourquoi il s’agit d’une faute. Et il doit préciser la catégorie de faute, ainsi que pourquoi le licenciement est nécessaire. Puis, s’il invoque la faute grave ou lourde, pourquoi le maintien du salarié dans l’entreprise pendant un préavis est impossible. Voir l’exemple particulier de la motivation du licenciement pour abandon de poste.
L’employeur doit montrer le sérieux de sa décision et l’impossibilité de laisser le salarié effectuer un préavis. Pour cela, il doit mettre le mieux possible en évidence la répercussion sur le fonctionnement normal de l’entreprise des faits fautifs qu’un préavis ferait perdurer.
La possibilité de préciser les motifs après la notification du licenciement
Avant le 18 décembre 2017, c’est en se fondant seulement sur les faits rapportés par la lettre de licenciement, que les juges du Conseil de prud’hommes, puis le cas échéant de la Cour d’appel, devaient dire si le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Et si la faute grave était caractérisée. L’on disait alors que « les limites du litige sont fixées par la lettre de licenciement ».
Depuis le 18 décembre 2017, l’employeur peut préciser les motifs énoncés dans la lettre de licenciement à la demande du salarié, ou de sa propre initiative (1).
Mais attention, préciser des motifs n’autorise pas à en ajouter de nouveaux. Cela n’autorise pas non plus à remplacer par d’autres ceux indiqués dans la lettre de licenciement. Si c’était le cas, le salarié serait en droit de contester le caractère réel et sérieux du licenciement.
Les juridictions auront sans doute à définir les limites entre des précisions et l’ajout d’un nouveau motif. Et avant de connaître la jurisprudence de la Cour de cassation, il faudra attendre plusieurs années… Les employeurs ont donc largement intérêt, dès la lettre de licenciement, à indiquer le plus complètement possible les griefs motivant le licenciement et le niveau de gravité invoqué.
Preuves et autres éléments
La nécessité de la preuve
L’employeur fera état des éléments de preuves sur lesquelles s’appuie sa décision dans la lettre de licenciement, ou ses précisions. Ces éléments seront des témoignages précis, des documents attestant les faits…. Cependant, à ce stade, l’employeur n’a pas à produire ses preuves. Par exemple, il n’a pas à communiquer une copie des témoignages qu’il aura réunis. Mais il doit bien sûr se préparer à les produire, si le salarié saisit le Conseil de prud’hommes.
Par ailleurs, les sanctions disciplinaires (avertissements écrits, mise à pieds disciplinaires…) que le salarié a reçu dans les trois dernières années, en rapport avec le (ou l’un des) motif(s) de licenciement, pourront être rappelées. Cela contribuera à prouver les tendances du salarié à commettre des fautes et à justifier la gravité des nouveaux manquements.
En effet, selon une jurisprudence constante de la faute grave : « L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ».
Aussi, en cas de contentieux :
- Si l’employeur n’est pas à même de prouver la réalité et le sérieux des motifs du licenciement, les juges du licenciement pourront dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
- Il en sera de même si la motivation de la lettre de licenciement est insuffisamment précise.
- Et, si l’employeur n’est pas à même de prouver la gravité des motifs, les juges pourront dire la faute grave non fondée. Même s’ils admettent que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.
Points divers de vigilance
Le rédacteur de la lettre de licenciement ne doit pas omettre de la dater, d’y indiquer le nom du salarié destinataire de la lettre et l’indication de l’émetteur (l’entreprise – employeur ou le particulier – employeur). La lettre de licenciement doit comporter soit la signature de l’employeur, soit celle de son représentant. Celui-ci doit être membre de l’entreprise. Ainsi, il n’est pas possible que l’expert-comptable ou l’avocat de l’entreprise soit le signataire. Par contre, le DRH de la société mère peut l’être. Ou encore, que ce soit le directeur financier de la société-mère pour une filiale détenue à 100 %.
(Cour de cassation, chambre sociale, 26 avril 2017, n° 15-25204 ; 15 décembre 2011, N° : 10-21926 et 30 juin 2015, n° 13-28146).
A qui et où adresser la lettre de licenciement ?
C’est à l’adresse du salarié que l’employeur connait qu’il doit être envoyer la lettre de licenciement. Or, l’employeur doit être vigilant, car il est assez fréquent qu’un changement d’adresse du salarié ait été signalée, par exemple au service paie et ne figure pas dans le dossier entre les mains de la personne de l’entreprise envoyant la lettre de licenciement. Et en cas d’erreur de l’employeur, le licenciement sera considéré comme sans cause réelle et sérieuse.
Ainsi, dans une jurisprudence , la Cour de cassation a considéré qu’une cour d’appel qui avait « relevé que l’employeur n’établissait pas que la lettre de licenciement ait été portée à la connaissance du salarié et qui a retenu que la rupture du contrat de travail résultait de la seule remise à l’intéressé des documents de fin de contrat, en a exactement déduit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
(Cour de Cassation, chambre sociale, 22 février 2017, N° : 15-18475).
En l’espèce, le salarié avait demandé à ce que l’employeur lui écrive chez son avocat (où il avait indiqué élire domicile) ce que l’employeur n’avait pas fait. Le courrier recommandé adressé au dernier domicile connu du salarié était revenu avec la mention « non réclamée ». Dans un tel cas, l’employeur aurait dû écrire au salarié (destinataire) chez son avocat (dans l’adresse)… et par prudence à la dernière adresse connue. La jurisprudence exclut, en effet, la notification à un tiers (notamment à un avocat). Car la lettre de licenciement doit bien être adressée au salarié concerné.
De la même façon, lorsque le salarié demande à recevoir la lettre de licenciement à une adresse de vacances chez un tiers, ou en poste restante, ce type d’adressage et le double envoi s’imposent.
A lire aussi : La lettre de licenciement pour faute grave – Délais
A utiliser : Modèle de lettre de licenciement pour faute
Pour en savoir plus sur les différents aspects de la procédure : Procédures et lettres
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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(1) Depuis le 18 décembre 2017, dans les quinze jours suivant la notification de son licenciement, le salarié peut demander des précisions à son employeur sur les motifs du licenciement. Cette demande est à faire par lettre recommandée avec avis de réception, ou remise contre récépissé. A compter de la réception de cette demande, l’employeur dispose de quinze jours pour apporter, s’il le souhaite, des précisions aux motifs de licenciement. Ces précisions doivent être apportées par lettre recommandée avec avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé.
D’autre part, dans les quinze jours suivant la notification du licenciement, l’employeur qui le souhaite peut préciser les motifs du licenciement énoncés dans la lettre de licenciement. Et cela, même quand il n’y a pas eu de demande du salarié. Il peut le faire par lettre recommandée avec avis de réception, ou remise en main propre contre récépissé.
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