Mauvaise volonté délibérée d’un directeur

L’action fortement contestée d’un directeur de centre éducatif fermé, a été considérée comme caractérisant une mauvaise volonté délibérée, justifiant un licenciement pour faute grave, alors que le salarié plaidait l’insuffisance professionnelle.

Le licenciement pour faute grave

Un directeur de centre éducatif fermé associatif destiné à accueillir des mineurs en très grandes difficultés, embauché 14 mois plus tôt, se trouvait en grande difficulté et très contesté dans ses fonctions. Alors qu’il était en arrêt de travail, suite à l’agression de la part d’un mineur, ultérieurement reconnu en accident du travail, le salarié a reçu une lettre de convocation à un entretien préalable. Un licenciement pour faute grave a ensuite été prononcé, à l’issue de la procédure.

Les motifs et la lettre de licenciement pour faute grave

Dans la lettre de licenciement pour faute grave, l’employeur a exposé ses motifs. Il a indiqué qu’il constatait une absence d’amélioration du comportement du salarié directeur du centre, malgré de nombreuses mises en garde formulées notamment suite à des  inspections par l’autorité de contrôle.

L’employeur a relevé différents éléments résultant de l’inspection par l’autorité de tutelle, axée plus spécialement sur le fonctionnement de l’établissement et notamment sur la conformité aux cahiers des charges des centres éducatifs fermés.

 Ainsi, lors de la première inspection avait été notés de profondes carences dans l’application de la législation, une méconnaissance inquiétante des dispositions légales en matière de droit du travail et un comportement, décrit comme irrespectueux, autoritaire, voire cassant, à l’égard de ses subordonnés.  L’employeur a précisé que malgré ces dysfonctionnements, la direction l’a cependant soutenu dans un premier temps en raison du fait que la fonction de directeur nécessite un certain temps d’adaptation.

Le second rapport de la Protection Judiciaire de la Jeunesse avait des problèmes relatifs au respect du cahier des charges et il ressortait que la législation du travail était « toujours bafouée ». Le rapport précisait que le comportement du directeur vis-à-vis des jeunes accueillis et du personnel se dégradait considérablement et portait préjudice au bon fonctionnement de l’établissement avec pour conséquence « une perte totale de confiance de l’équipe, une absence de dialogue et une dégradation du climat social ».

Lors d’une nouvelle inspection sur trois jours, il a été mis en exergue des éléments sur la situation de l’établissement particulièrement choquants et inacceptables liés à la manière dont le directeur exerce sa fonction.

L’employeur a constaté que « rien n’a été fait sur la mise en place du pôle santé » et a noté une « absence d’investissement dans sa mission », ainsi que « des initiatives particulièrement malheureuses en matière de management contribuant à accentuer un climat social particulièrement conflictuel » : installation d’une pointeuse considérée comme inappropriée dans ce type d’établissement ; exigence illégale de la remise par les membres du personnel d’un chèque de caution de 150 € [contre la remise de la clé de l’établissement] ; non-respect des dispositions relative à la durée du travail ayant justifié une lettre de mise en demeure de l’inspection du travail ; discrimination et favoritisme à l’égard de salariés ; refus systématique de demandes de congé à d’autres ; indifférence, rigidité, voire incorrection vis-à-vis du chef de service et des éducateurs.

Enfin l’employeur a reproché au directeur la décision prise par lui seul « d’accueillir simultanément 6 nouveaux mineurs, sans se soucier d’assurer une montée en charge progressive [… ] démontrant son incapacité à assumer ses fonctions de directeur mais également sa volonté de refaire déraper le personnel et peut-être de remettre en difficultés l’établissement ».

La contestation par le salarié du caractère de faute

Le directeur licencié pour faute grave a saisi le Conseil de prud’hommes de Bayonne, moins de deux mois après son licenciement. Quinze mois plus tard, le conseil de prud’hommes, a dit le licenciement nul et a condamné l’association employeur à verser à l’ancien directeur près de 28 000 euros à titre d’indemnité de préavis et la même somme à titre de dommages et intérêts.

L’association employeur a fait appel à la suite de ce jugement de première instance. La Cour d’appel de Pau a infirmé le jugement du conseil des prud’hommes de Bayonne dans toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, a dit que le licenciement reposait sur une faute grave et a débouté le salarié de toutes ses demandes (Cours d’appel de Pau, Chambre sociale, 22 mai 2008).

Le salarié s’est alors pourvu en cassation en faisant grief à l’arrêt de la cour d’appel d’avoir dit son licenciement fondé sur une faute grave.

Selon le salarié : insuffisance professionnelle et non faute grave

L’argumentation du salarié était basé sur le fait que la cour d’appel avait constaté qu’il avait fait preuve d’erreurs et d’insuffisances dans ses fonctions, mais sans relever d’insubordination, de mauvaise volonté délibérée, ou de manquement délibéré à ses obligations, qui seules selon-lui auraient pu caractériser une faute.

Selon le salarié, ce qui lui a été reproché relevant de l’insuffisance professionnelle ne pouvait être considéré comme une faute.

Reprenant les reproches à son égard, le salarié s’est efforcé de montrer qu’ils relevaient de l’insuffisance professionnelle.

Ainsi, a-t-il rappelé qu’avaient été constatés par les services d’inspection :

  • le mécontentement d’une partie des éducateurs en raison de l’indisponibilité du directeur lors de mouvements de turbulences,
  • l’inadaptation des réponses apportées par le directeur à des situations de crise,
  • la remise en question continuelle des emplois du temps du personnel,
  • l’expression autoritaire, cassante et rigide et l’incohérence des prises de décision du directeur,
  • le management très insuffisamment sécurisant voire distant du directeur,
  • la nécessité de prendre différentes mesures relevant des attributions du directeur (ce qui sous-entendait qu’elles n’étaient pas prises), telles que la mise en conformité des pratiques avec les droits et libertés des mineurs, une organisation du temps de travail des membres de l’équipe éducative permettant le passage des consignes, la médiation de l’inspecteur du travail sur les questions inhérentes au droit du travail et au respect des salariés….

Par ailleurs, à l’issue de la deuxième visite de contrôle, il avait été indiqué « pour sa part, l’inspection doute des capacités de Monsieur [le directeur] à s’investir dans ses fonctions, alors même que le conflit social a été résolu […] ses erreurs de positionnement sont flagrantes […] »

Dans la troisième note, il était constaté « des prises d’initiatives particulièrement malheureuses du directeur qui ont contribué à accentuer le climat de tensions […], la décision prise par lui seul d’accueillir simultanément six nouveaux mineurs sans souci d’assurer une montée en charge progressive des admissions […] ».

Enfin, le fait pour le directeur d’avoir soutenu qu’il ne saurait lui être fait grief d’avoir procédé à l’admission simultanée de six nouveaux mineurs alors que la capacité d’hébergement de l’établissement n’était pas dépassée, avait été décrit comme « un raisonnement démontrant à lui seul son inadaptation à un poste de directeur d’un centre éducatif fermé, destiné à accueillir des mineurs en très grandes difficultés dont l’accueil doit être extrêmement personnalisé ».

La Cour de cassation justifie le licenciement pour faute grave

Entre la faute grave et l’insuffisance professionnelle, la Cour de cassation a tranché en faveur de l’interprétation des faits de la Cour d’appel de Pau en rejetant le pourvoi du salarié licencié.

La cour de cassation a rappelé que la cour d’appel a « relevé que [le directeur licencié], en dépit des trois inspections successives des services de la protection judiciaire de la jeunesse dont il ne pouvait ignorer les conclusions, avait persisté à bafouer la législation du travail, ce qui avait entraîné une mise en demeure de l’inspection du travail, et à ne pas respecter le cahier des charges, qu’il avait pris seul la décision d’accueillir six nouveaux mineurs simultanément, ce qui était de nature à perturber profondément l’établissement et avait conduit à une suspension des admissions, avec des conséquences financières, et qu’il avait eu des attitudes contribuant à la dégradation du climat social, notamment des mesures discriminatoires ou de favoritisme à l’égard de certains salariés ou mineurs ».

A partir de ce rappel, la Cour de cassation a considéré que la cour d’appel « qui a ainsi caractérisé la mauvaise volonté délibérée du salarié, a pu décider que ce comportement rendait impossible son maintien dans l’établissement et était constitutif d’une faute grave » (Cour de cassation, chambre sociale, 16 décembre 2009, N°: 08-43492).

Source de la jurisprudence arrêts de la cour d’appel de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

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Résumé : Alors que l’intéressé plaidait l’insuffisance professionnelle, la Cour de cassation a considéré qu’un directeur de centre éducatif fermé, qui ne pouvait ignorer les observations et recommandations faites à l’occasion de contrôles avait montré une mauvaise volonté et que cela justifiait son licenciement pour faute grave.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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