Offenses et injures envers des chefs d’Etat

Un agent d’escale de la compagnie aérienne syrienne ayant tenu des propos offensants et injurieux envers des chefs d’Etat a été licencié pour faute grave (1991). Dans son pourvoi devant la Cour de cassation, le salarié a argué de sa liberté d’expression d’opinions politiques et d’une modification des termes du litige par la cour d’appel.

Le licenciement pour faute grave et le début du contentieux

Un salarié, engagé huit mois plus tôt comme agent d’escale à l’aéroport d’Orly par la société Syrian Arab Airlines, a tenu des propos offensants et injurieux envers le chef de l’Etat syrien et d’autres chefs d’Etat étrangers devant des membres du personnel de la compagnie nationale syrienne, ce qui avait provoqué un émoi.

A la suite, le 28 janvier 1991, le salarié a été licencié pour faute grave. Le motif indiqué par la compagnie syrienne était le fait d’avoir manqué à son obligation de réserve et de discrétion.

Le salarié soutenant être victime d’un licenciement pour faute grave en raison de ses opinions politiques, a saisi le conseil de prud’hommes en référé avec pour demande :

  • de déclarer la nullité de son licenciement ;
  • et d’ordonner sous astreinte sa réintégration dans son emploi.

La Cour d’appel de Paris amenée à se prononcer sur l’affaire a dit qu’il n’y avait pas matière à référé et a refusé d’ordonner la réintégration du salarié licencié en considérant que les propos offensants et injurieux à l’encontre du chef de l’Etat syrien et de chefs d’Etats étrangers devant les membres de la compagnie nationale syrienne étaient établis  (Cour d’appel de Paris, 20 septembre 1991).

Le pourvoi en cassation et l’argumentation du salarié

L’ancien agent d’escale a alors formé un pourvoi en cassation. Le salarié licencié, pour contester son licenciement pour faute grave, ainsi que le rejet du principe du référé et le refus de sa réintégration par la cour d’appel, a développé une triple argumentation :

En premier lieu le salarié licencié a rappelé qu’un licenciement ne peut pas être prononcé en raison de l’expression de ses opinions politiques par un salarié, s’il n’y a pas de trouble causé par son comportement. Or selon lui, en refusant de considérer comme nul un licenciement prononcé au nom du seul motif d’un manquement à une obligation de réserve et de discrétion, alors qu’aucun trouble n’était allégué ni encore moins établi, la cour d’appel a violé les articles anti-discrimination du Code du travail.

En second lieu, le salarié licencié a reproché à la cour d’appel d’avoir modifié les termes du litige et violé les articles du code du travail et du Code de procédure civile qui l’interdisent.

Pour le démontrer, le salarié relevait que, selon la cour d’appel, il avait été licencié en raison de « propos offensants et injurieux publiquement tenus à l’encontre du chef de l’Etat syrien et de chefs d’Etats étrangers devant les membres de la compagnie nationale syrienne qui s’en sont indignés » alors qu’il résultait de la lettre de licenciement que seul un manquement à l’obligation de réserve était allégué.

Enfin, selon l’ancien agent d’escale, la cour d’appel s’était contenté d’indiquer qu’il résultait des pièces du dossier que le salarié licencié avait prononcé des propos injurieux envers des chefs d’Etat et n’avait précisé ni la nature desdits propos, ni les circonstances dans lesquelles ils avaient été prononcés. Selon le salarié, la cour d’appel avait donc statué par voie d’affirmation et violé l’article du Code de procédure civile qui l’interdit. Par ailleurs, toujours selon le salarié, des propos, même offensants, tenus envers un chef d’Etat étranger dans le cadre d’une entreprise et entre collègues ne caractérisaient pas le délit d’offense pénalement réprimé par la loi du 29 juillet 1881. Ce dont il concluait que la cour d’appel avait violé la disposition visée par cette loi, ainsi que le du Code du travail.

Comment la Cour de cassation a résolu la question ?

La Cour de cassation n’a pas retenu l’argumentation de l’ancien agent d’escale.

Ainsi la Cour de cassation a-t-elle considéré :

  • « que tenue d’examiner quels étaient les propos constitutifs d’un manquement à l’obligation de réserve, la cour d’appel n’a pas modifié les limites du litige » ;
  • et ensuite, « qu’appréciant la valeur et la portée des éléments de preuve discutés devant elle, la cour d’appel, qui a retenu l’existence de propos offensants et injurieux envers le chef de l’Etat syrien et d’autres chefs d’Etat étrangers tenus par le salarié devant les membres du personnel de la compagnie nationale syrienne qui s’en étaient indignés, a pu décider que le licenciement ne constituait pas un trouble manifestement illicite ».

Par ces motifs, la cour de cassation a rejeté le pourvoi du salarié licencié pour faute grave et l’a condamné aux dépens et aux frais d’exécution de l’arrêt.

(Cour de cassation, chambre sociale, 6 octobre 1993, N°: 91-45053)

Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

Résumé : Des propos offensants et injurieux envers des chefs d’Etat étrangers ont entraîné le licenciement du salarié pour faute grave au motif de manquement à son obligation de réserve et de discrétion. Malgré l’argumentation du salarié sur sa liberté d’expression et le fait que, selon lui, la cour d’appel aurait modifié les termes du litige, la Cour de cassation a rejeté son pourvoi.

Les propos offensant et injurieux et l’indignation créée auprès du personnel ont justifié l’existence d’un manquement à l’obligation de réserve et de discrétion tel que la faute grave était avérée.

Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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