Faux titre de séjour

Un salarié étranger avait présenté un faux titre de séjour à l’employeur pour être embauché, puis maintenu dans l’emploi. L’employeur trompé n’a commis aucune faute. Lorsqu’il découvre la fraude du salarié, il le licencie pour faute grave.

Le contexte du licenciement pour faute grave

Un travailleur de nationalité malienne avait présenté une carte de séjour pour être embauché par une société hôtelière. L’employeur avait demandé à la préfecture de vérifier la carte de résident de l’intéressé. La réponse préfectorale consistait à refuser de procéder à ce contrôle en indiquant que les vérifications n’étaient utiles que lorsque le document présenté par l’étranger suscite « un doute sérieux fondé sur des éléments matériels et objectifs tels que photographie non ressemblante, titre altéré, maquillé ou d’apparence inhabituelle » et que « dans le cas contraire, il y avait lieu de le tenir pour authentique ».

Au vu de cette réponse, l’employeur avait engagé le salarié en contrat à durée déterminée, comme commis de salle tournant. Six mois plus tard le contrat du salarié avait été transformé en contrat à durée indéterminée.

Plus de six ans plus tard, l’employeur demande une confirmation de la régularité du titre de séjour de son salarié à la suite d’un renouvellement du document. C’est alors qu’il est informé que le titre de séjour que le salarié lui avait présenté pour son engagement était un faux.

L’employeur décide immédiatement la mise à pied à titre conservatoire du salarié et engage la procédure de licenciement pour faute grave du commis de salle. La lettre de licenciement indique comme motif le fait que le salarié a fourni un faux titre de séjour lors de son embauche et pour se maintenir dans l’emploi.

Le contentieux et la cassation : « faute grave »

Le salarié, soutenu par le syndicat CGT des hôtels de prestige et économiques, engage un contentieux prud’homal. Le Conseil de prud’hommes juge que le salarié a droit à l’indemnité prévu par l’article L. 8252-2 du code du travail (version en vigueur avant la loi du 16 juin 2011).

L’article L. 8252-2 du code du travail prévoit une indemnité minimum au bénéfice de l’étranger non muni du document administratif l’autorisant à travailler en France, en cas de rupture de la relation de travail. Cette indemnité  était, avant la loi du 16 juin 2011, égale à un mois de salaire, à moins que d’autres stipulations ne soient plus favorables. Une indemnisation supplémentaire est possible si l’étranger est en mesure d’établir l’existence d’un préjudice non réparé.

La Cour d’appel de Paris, à son tour saisie, donne raison à l’employeur en relevant qu’il « ne disposait pas d’éléments matériels et objectifs lui permettant de douter de la régularité du titre de séjour présenté lors de l’embauche du salarié et qu’en présence d’un titre régulier, l’employeur n’était tenu d’aucune vérification particulière », le licenciement pour faute grave étant reconnue, le salarié n’a pas droit à l’indemnité.

Le salarié a ensuite formé un pourvoi en cassation, avec l’appui de la CGT. Il reproche à la cour d’appel de l’avoir débouté de toutes ses demandes basées sur l’article L. 8252-2 du code du travail (version en vigueur avant la loi du 16 juin 2011).

Selon le salarié et la CGT :

  1. en écartant l’application de l’article L. 8252-2 du code du travail, en raison de l’absence d’une faute de l’employeur, la cour d’appel aurait ajouté à la loi une condition qu’elle ne prévoit pas et aurait donc violé l’article L. 8252-2 du code du travail, en refusant de l’appliquer.
  2. le fait pour un travailleur étranger de fournir un faux titre de séjour lors de son embauche ne constituerait  pas une faute grave.
  3. même en présence d’une faute grave, le salarié étranger démuni d’une autorisation de travail, aurait droit, en cas de rupture de la relation de travail, à l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8252-2 du code du travail.

La Cour de cassation n’a pas suivi l’argumentation du salarié dont elle a rejeté le pourvoi.

La Cour de cassation a pleinement approuvé la cour d’appel qui avait débouté le salarié : « attendu qu’ayant retenu l’absence de toute faute de l’employeur dans la vérification du titre apparemment régulier et dont la fausseté n’est apparue que lors de la demande de confirmation du caractère régulier de son titre de séjour après renouvellement, la cour d’appel a pu en déduire que la fraude du salarié constituait une faute grave privative des indemnités de rupture et qu’elle le privait également du bénéfice de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8252-2 du code du travail dans sa rédaction alors en vigueur » (Cour de cassation, chambre sociale, mardi 18 février 2014, N°: 12-19214).

Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

Résumé : Un travailleur malien avait présenté un faux titre de séjour, apparemment régulier, pour être embauché. En l’absence de toute faute de l’employeur dans la vérification d’un titre de séjour, dont la fausseté du document n’est apparue que lors de la demande de confirmation du caractère régulier du titre de séjour après renouvellement. L’employeur n’a commis aucune faute. La fraude du salarié constitue une faute grave selon la cour d’appel et la Cour de cassation. Le licenciement pour faute grave prive le salarié des indemnités de rupture mais aussi du bénéfice de l’indemnité forfaitaire prévue par l’article L. 8252-2 du code du travail.

NB : L’employeur qui entend prononcer un licenciement pour faute grave doit faire état d’un motif relevant de la tromperie, comme dans l’exemple de jurisprudence ci-dessus. Il ne peut pas se contenter d’invoquer dans la lettre de licenciement la seule irrégularité de l’emploi pour défaut de permis de séjour, car si celle-ci est « une cause objective justifiant la rupture de son contrat de travail exclusive de l’application des dispositions relatives aux licenciements et de l’allocation de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse »,  elle ne constitue pas d’une faute grave (Cour de cassation, chambre sociale, 4 juillet 2012, N°: 11-18840).

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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