Jurisprudence 2019 sur l’autorité de la chose jugée au pénal
La Cour de cassation a rappelé le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal en cassant un arrêt d’une cour d’appel. Celle-ci avait validé un licenciement pour faute grave, malgré une décision de relaxe du juge pénal. Cette relaxe avait pourtant été obtenue par la salariée pour les mêmes faits que ceux visés dans la motivation du licenciement. C’est ce qui explique la décision de la Cour de cassation. Jurisprudence de la Cour de cassation du 6 mars 2019.
Le contexte du licenciement pour faute grave
La salariée, embauchée comme caissière à compter de février 1979, par la société Mazagran services, était devenue directrice de magasin.
Les faits
Le 22 décembre 2011, elle a été surprise par le responsable régional, informé de ses agissements par d’autres salariés, alors qu’elle venait de sortir du magasin avec de la marchandise (produits alimentaires d’un montant total de 51,21 €). Cette marchandise n’avait pas été payée. L’employeur a déposé plainte auprès de la gendarmerie. Une perquisition de son domicile a été effectuée et les gendarmes ont retrouvé dans un sac de la marchandise appartenant au magasin non payé (produits alimentaires et friandises d’une valeur de 49,32 €).
Le licenciement pour faute grave et la relaxe au pénal
L’employeur a licencié la salariée pour faute grave le 13 janvier 2012, au motif qu’elle n’avait pas respecté l’article 26 du règlement intérieur indiquant que : « toute marchandise sortie du magasin doit faire l’objet d’un passage en caisse préalablement à sa sortie de l’établissement ». La lettre de licenciement a relaté très précisément les faits.
Suite à la plainte sur le plan pénal… la salariée a été relaxée des faits de vol par la juridiction pénale.
La justice prud’homale face au principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal
La salariée a, de son côté, saisi la juridiction prud’homale.
La Cour d’appel de Dijon a jugé fondé le licenciement pour faute grave de la salariée et a débouté la salariée de ses demandes d’indemnités. Pour motiver son arrêt, la Cour d’appel a notamment considéré :
- qu’il n’était pas établi que tous les produits récupérés aient été impropres à la consommation ou périmés, comme l’affirmait la salariée
- et que la salariée ne démontrait pas que tous les produits récupérés par elle étaient périmés
(arrêt du 6 juillet 2017 de la Cour d’appel de Dijon).
Le pourvoi en cassation
La salariée déboutée a formé un pourvoi en cassation en rappelant principalement que « l’autorité de la chose jugée au pénal s’attache à l’ensemble des constatations qui sont le soutien nécessaire de la décision répressive ». Or, la salariée, poursuivie pour avoir emporté sans les payer des produits du magasin, avait été relaxée au pénal, au motif que ces produits, périmés, étaient voués à la destruction.
La Cour de cassation rappelle le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal
La Cour de cassation s’est référé au principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal.
Elle a ensuite relevé « que pour dire le licenciement fondé sur une faute grave et débouter la salariée de l’ensemble de ses demandes, l’arrêt [de la cour d’appel] retient qu’elle a sorti du magasin, pour se les approprier, sans les avoir préalablement payés des articles dont il n’est pas, au moins pour certains d’entre eux, établi qu’ils aient été impropres à la consommation ou périmés ». La Cour de cassation en a ensuite conclu « Qu’en statuant ainsi alors que la décision de relaxe devenue définitive dont avait bénéficié la salariée, poursuivie pour vols, était motivée par le fait que les articles en cause, qui étaient les mêmes que ceux visés dans la lettre de licenciement, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l’attente de leur destruction, car impropres à la consommation, la cour d’appel a violé le principe sus visé ». Par ces motifs, la Cour a cassé et annulé l’arrêt de la Cour d’appel.
(Cour de cassation, chambre sociale, 6 mars 2019, N° : 17-24701)
Conclusion :
La Cour de cassation a rappelé que la juridiction prud’homale (de manière plus générale : le juge civil) ne peut pas prendre une décision motivée par des affirmations contraires à ce qu’a retenu le juge pénal. C’est le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal.
Ceci étant, dans cette jurisprudence la cassation se justifie par la motivation maladroite choisie par la cour d’appel pour valider la faute grave.
L’employeur n’avait pas motivé la lettre de licenciement sur le fait que tous les produits n’auraient pas été impropres à la consommation. Au contraire, l’employeur avait motivé le licenciement pour faute grave par le non-respect par la salariée de l’article 26 du règlement intérieur selon lequel : « toute marchandise sortie du magasin doit faire l’objet d’un passage en caisse préalablement à sa sortie de l’établissement ». Or cet article ne fait aucune distinction entre la marchandise retirée de la vente et celle toujours en vente. La faute de la salariée se trouvait aggravée par sa position de directrice du magasin.
La cour d’appel aurait motivé son arrêt sur la base du non-respect du règlement intérieur par la directrice du magasin, la Cour de cassation n’aurait pas forcément cassé l’arrêt d’appel.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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