L’indemnité de préavis peut être due lors d’un licenciement pour faute grave
Un licenciement pour faute grave n’implique pas forcément l’absence d’indemnité de préavis pour le salarié. En effet la convention collective, ou le contrat de travail peut contenir une disposition selon laquelle un préavis existe lors de toute rupture du contrat de travail. En indiquant le préavis dans le contrat de travail, sans prévoir qu’il n’est pas dû en cas de faute grave ou lourde, l’employeur peut, sans s’en rendre compte, créer un droit pour le salarié. Jurisprudence du 20 mars 2019 de la Cour de cassation.
Le contexte du licenciement pour faute grave et du contentieux prud’homal
La faute grave et le licenciement
Un salarié engagé par la société Faurecia sièges d’automobile en janvier 2009 comme directeur programme senior, occupait les fonctions de directeur de la stratégie des achats famille, lorsqu’il a frauduleusement obtenu le remboursement de frais * et a pris des congés sans en informer son employeur. Ce salarié a été convoqué à un entretien préalable au licenciement le 14 mai 2012 avec mise à pied conservatoire. Il a ensuite été licencié pour faute grave le 7 juin 2012.
* 112 demandes de double remboursement de frais professionnels sur l’année 2011 pour une somme de 7714,71 euros.
La contestation devant la justice prud’homale
A la suite de son licenciement pour faute grave, le salarié a contesté son licenciement devant la juridiction prud’homale. Il demandait le paiement d’un rappel de salaire au titre de la mise à pied, d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents. De plus, il demandait une indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L’arrêt de la cour d’appel
La Cour d’appel de Versailles a jugé que le licenciement pour faute grave était justifié. Elle a donc débouté le salarié de l’ensemble de ses demandes. En outre la cour a condamné le salarié à payer à la société une somme à titre de remboursement de frais, outre le paiement d’une amende civile symbolique et une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
(arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 20 septembre 2017).
Le pourvoi en cassation du salarié
Le salarié a formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation a décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur les trois premiers moyens du pourvoi, qui n’étaient manifestement pas de nature à entraîner la cassation. En l’espèce, il s’agissait pour l’essentiel d’une contestation du licenciement pour faute grave avec ses conséquences en termes indemnitaires et de la condamnation à rembourser les sommes indument perçue à titre de frais.
Quatrième moyen du pourvoi exposé à titre subsidiaire :
Le salarié reproche à l’arrêt de la cour d’appel :
- de l’avoir débouté de sa demande du paiement d’une indemnité de préavis
- et de l’avoir condamné à payer à la société une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile, en plus du paiement d’une amende civile. Cette demande subsidiaire s’appuie sur la règle selon laquelle la faute grave n’est privative des indemnités de préavis que si la convention collective applicable ou le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié. Or en l’espèce, le contrat de travail de janvier 2009 stipulait en son article 7 que « en cas de rupture du contrat de travail du fait de l’une ou l’autre des parties, le préavis sera de six mois ». Ceci n’excluait pas le cas d’une faute grave. Par conséquent, en déboutant le salarié de sa demande concernant le préavis, la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil *.
* l’article 1134 du code civil est devenu l’article 1103. Cet article précise que « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Cinquième moyen du pourvoi du salarié :
Le salarié reprochait à l’arrêt de la cour d’appel de l’avoir condamné au paiement d’une amende civile de 1 € au titre de l’article 32-1 du code de procédure civile.
La Cour de cassation rappelle que l’indemnité de préavis peut exister lors d’un licenciement pour faute grave
L’arrêt de la Cour de cassation se réfère à l’article 1134 du code civil dans sa version en vigueur à l’époque *.
* Cet article ancien précisait que : « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. » L’équivalent a été depuis repris dans les articles 1103, 1193 et 1104.
La Cour de cassation a relevé que pour débouter le salarié de sa demande de paiement d’une indemnité de préavis et des congés payés afférents l’arrêt de la cour d’appel a retenu que si le contrat de travail mentionnait un préavis de six mois, celui-ci n’était pas dû en application de l’article L. 1234-1 du code du travail lorsque le licenciement est motivé par une faute grave. Dans son arrêt la Cour de cassation a considéré que « la faute grave n’est privative des indemnités de préavis que dans la mesure où le contrat de travail liant les parties ne contient pas de dispositions plus favorables au salarié et que l’article 7 du contrat de travail prévoyait un préavis, en cas de rupture du contrat du fait de l’une ou de l’autre des parties, sans établir de distinction selon le motif de la rupture, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis du contrat ».
Ensuite, l’arrêt de la Cour de cassation s’est référé à l’article 32-1 du code de procédure civile. La Cour de cassation a relevé que la cour d’appel a condamné le salarié à payer une amende civile d’un euro au titre de cet article. A partir de cela, elle a considéré que la cour d’appel en se déterminant ainsi et en ne relevant aucune circonstance de nature à faire dégénérer en faute le droit du salarié à agir en justice, n’a pas donné de base légale à sa décision.
La cassation partielle
Par ces motifs, la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel, en ce qu’il :
- déboutait le salarié de ses demandes en paiement de la somme de 136 494 euros au titre de l’indemnité de préavis et de celle de 13 649,40 euros au titre des congés payés acquis au titre de ce préavis
- et le condamnait au paiement de la somme d’un euro en application de l’article 32-1 du code de procédure civile.
(Cour de cassation, chambre sociale, 20 mars 2019, N° : 17-26999).
Résumé :
Dans cette affaire, un salarié licencié pour faute grave n’avait pas perçu d’indemnité compensatrice de préavis. Pourtant son contrat de travail prévoyait un préavis de 6 mois, en cas de « rupture du contrat du fait de l’une ou de l’autre des parties », sans établir de différence selon le motif de la rupture.
La Cour de cassation a rappelé que la disposition plus favorable que la loi inscrite dans le contrat de travail aurait dû s’appliquer bien qu’il s’agisse d’un licenciement pour faute grave. Le salarié licencié pour faute grave a donc droit à une indemnité compensatrice de préavis, lorsque celle-ci est prévue dans le contrat de travail.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : code du travail ; code civil ; code de procédure civile ; jurisprudences de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr
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