Conséquence prud’homale du jugement pénal

Conséquence prud’homale du jugement pénal Lorsqu’un salarié commet des faits pouvant constituer une infraction pénale dans le cadre de son travail, il encourt non seulement un licenciement pour faute grave ou pour faute lourde, mais aussi une condamnation sur le plan pénal, s’il est reconnu coupable. Mais, le salarié, s’il conteste les faits qui lui sont reprochés, peut plaider non-coupable au pénal et saisir la juridiction prud’homale. La question est alors, de savoir quelle est la conséquence prud’homale du jugement pénal.

Quelle est la conséquence prud’homale du jugement pénal ?

L’existence d’une procédure pénale parallèlement à une procédure prud’homale conduit la juridiction prud’homale a devoir respecter le principe de « l’autorité au civil de la chose jugée au pénal ». Mais, en fait, plusieurs situations peuvent se présenter et la conséquence prud’homale du jugement pénal ne sera pas la même.

Conséquence prud’homale d’un jugement pénal reconnaissant l’infraction

Si la juridiction pénale reconnait et sanctionne l’infraction pénale, le licenciement pour faute grave ou pour faute lourde s’en trouve justifié et la juridiction prud’homale ne pourra que le constater.

Différentes conséquences prud’homales d’un jugement pénal de relaxe

Si la juridiction pénale a relaxé le salarié, le juge prud’homal va devoir tenir compte de la décision de la juridiction pénale. Mais selon la motivation du jugement pénal et celle du licenciement, la conséquence ne sera pas la même.

Relaxe, trois situations aux conséquences différentes

En pratique, trois situations peuvent se présenter :

1°) motivation du licenciement similaire à ce sur quoi il y a eu relaxe

La motivation du licenciement similaire à ce sur quoi il y a eu relaxe est manifestement contraire au principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal.

Ainsi la Cour de cassation a décidé qu’une cour d’appel « se fondant sur des faits relatifs à des écarts de caisse et des erreurs de gestion ayant fait l’objet d’une décision de relaxe par la juridiction pénale, […] a violé les textes susvisés » [notamment l’article 1351 du code civil, devenu l’article 1355 depuis le 1er octobre 2016 (1)].

En l’espèce, pour dire le licenciement fondé sur une faute grave la cour d’appel avait retenu que la salariée avait reconnu l’emprunt délibéré de fonds à l’insu de son employeur, « pratique totalement prohibée au regard de l’exécution loyale du contrat de travail » et avait relevé que « les écarts de caisse, erreur de gestion et falsification d’écritures comptables dont le tribunal correctionnel a définitivement retenu l’existence » constituaient « des manquements incompatibles avec la confiance qu’un employeur est en droit d’attendre d’une salariée à ce poste avec cette ancienneté et cette responsabilité ».

(Cour de cassation, chambre Sociale, 7 mai 2014, N° : 13-14465)

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a indiqué avec force « que la chose jugée au pénal s’impose au juge civil relativement aux faits qui constituent le soutien nécessaire de la décision pénale ».

La Cour de cassation a ensuite décidé « Qu’en statuant comme [la cour d’appel] l’a fait, alors qu’il résultait de ses propres constatations que les faits allégués par l’employeur à l’appui du licenciement étaient identiques à ceux portés à la connaissance du juge pénal et pour lesquels le salarié était relaxé du chef d’abus de confiance, aux motifs qu’il existait un doute quant à l’imputabilité de ces faits à son encontre, la cour d’appel a violé le principe [de l’autorité, au civil, de la chose jugée au pénal] ».

(Cour de cassation, chambre sociale, 12 octobre 2016, N° : 15-19620)

Enfin, la Cour de cassation a de nouveau considéré plus récemment que le licenciement pour faute grave d’un salarié ayant obtenu une décision de relaxe devenue définitive concernant les faits reprochés par son employeur est sans cause réelle et sérieuse (Cour de cassation, chambre sociale, 6 mars 2019, N° : 17-24701).

2°) non condamnation pénale au motif de l’absence d’élément intentionnel

Si la juridiction pénale n’a pas prononcé de condamnation au seul motif de l’absence d’élément intentionnel, la faute grave pourra être reconnue en droit du travail. Naturellement, celle-ci devra être justifiée en droit du travail sans reposer sur une qualification pénale. Ce pourra être notamment par le non-respect des instructions de son employeur. Par contre, la faute lourde qui nécessite l’existence d’une intention de nuire ne le pourra pas.

Ainsi, la Cour de cassation a décidé qu’une cour d’appel « ayant relevé que la relaxe du chef de vol était intervenue en raison de l’absence d’intention frauduleuse, n’a pas violé l’autorité de la chose jugée au pénal en retenant, qu’il était établi, que la salariée avait emporté à son domicile un certain nombre de documents en contradiction avec les instructions de l’employeur ». (Cour de cassation, chambre sociale, 14 novembre 1991, N° : 90-44.663)

3°) motivation différente du licenciement pour faute grave

Lorsque la motivation du licenciement * repose sur une ou plusieurs autres fautes que ce qui a donné lieu à relaxe au niveau pénal, la faute grave pourra être validée par la juridiction prud’homale, si elle est jugée suffisante.

*La motivation doit figurer sur la lettre de licenciement, ou avoir été communiqué par l’employeur au salarié, à la suite de la notification du licenciement dans le délai requis (depuis le décret n° 2017-1702 du 15 décembre 2017). En savoir plus, notamment sur ce délai.

Ainsi, la Cour de cassation a considéré que « pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement, la cour d’appel n’est pas sortie des limites du litige telles que fixées par la lettre de notification du licenciement, en retenant d’autres faits que ceux ayant donné lieu à une décision de relaxe » (Cour de cassation, chambre sociale, 17 octobre 1995, N° : 92-41502).

Conclusion :

Le principe de l’autorité au civil de la chose jugée au pénal s’applique dans un jugement prud’homal suite à un licenciement pour faute grave. Cependant, lorsque le salarié a été relaxé au pénal, la juridiction prud’homale peut encore retenir des griefs invoqués par l’employeur qui n’ont pas motivé la relaxe pénale, ou qui n’ont entraîné la relaxe qu’au motif de l’absence d’élément intentionnel.

Par conséquent, l’employeur a intérêt, dans la mesure du possible, à invoquer plusieurs motifs pour le licenciement plutôt que de se contenter de ce qui relève du pénal. Ensuite, lorsque l’employeur a pris cette précaution, la motivation par la cour d’appel revêt une importance qui peut être déterminante, en cas de relaxe par le juge pénal.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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(1) Article 1355 du code civil : « L’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. »

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