La Cour de cassation valide le barème des indemnités prud’homales pour licenciement abusif
Examen par la cour de cassation en formation plénière du barème des indemnités prud’homales pour licenciement abusif
La Cour de cassation s’est réunie en formation plénière pour avis sur deux demandes de conseils de prud’hommes, quant à la compatibilité du barème des indemnités prud’homales, issu d’une ordonnance travail du 22 septembre 2017, avec des normes européennes et internationales. Avis du 17 juillet 2019.
Le fait que la Cour de cassation se soit réunie en formation plénière donne à l’avis du 17 juillet 2019 un poids particulièrement fort. L’importance de la question le méritait.
Les salariés licenciés pour faute grave et leurs employeurs sont particulièrement concernés par cet avis, puisque les licenciements pour faute grave entraînent très fréquemment une saisie des prud’hommes.
Emmanuel Macron a voulu ce barème pour lever les freins à l’embauche en CDI et permettre de s’attaquer au chômage de masse. Le barème a introduit des minima et des maxima d’indemnité prud’homale pour chaque année d’ancienneté du salarié. Les montants maximaux varient, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut.
Au cours des derniers mois, le barème d’indemnités prud’homales avait été contesté par de nombreux conseils des prud’hommes au motif qu’il restreint le pouvoir d’appréciation du juge et ne permettrait pas au salarié de pouvoir obtenir une indemnité adéquate en cas de licenciement abusif. Les opposants au barème invoquaient une contradiction avec l’article 24 de la Charte sociale européenne et l’article 10 de la Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail.
Le Conseil constitutionnel avait déjà déclarées conformes à la Constitution la loi ratifiant les ordonnances de 2017.
Compétence de la Cour de cassation
La Cour de cassation a décidé que les demandes d’avis étaient recevables. Pourtant, depuis 2002, la Cour de cassation décidait, sauf exceptions récentes, que la question de la compatibilité d’une disposition de droit interne avec la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ou avec d’autres normes internationales et notamment avec la convention n°158 de l’Organisation internationale du Travail (OIT), ne relevait pas de la procédure d’avis.
La formation plénière de la Cour a décidé que « la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales pouvait faire l’objet d’une demande d’avis dès lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond. »
L’avis de la Cour de cassation sur la validité du barème d’indemnité prud’homale
La formation plénière de la Cour a indiqué que les dispositions relatives au barème n’entraient pas dans le champ d’application de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Concernant la compatibilité du barème (article L 1235-3 du code du travail) avec l’article 10 de la Convention n° 158 sur le licenciement de l’OIT, la Cour a retenu que le terme « adéquat » employé dans le texte de l’OIT devait être compris comme réservant aux Etats signataires une marge d’appréciation.
La Cour a rappelé que « en droit français, si le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Lorsque la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. Le barème prévu par l’article L 1235-3 du code du travail est écarté en cas de nullité du licenciement, par application des dispositions de l’article L 1235-3-1 du même code. »
La formation plénière de la Cour de cassation en a déduit que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, qui fixent le barème d’indemnité prud’homale pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT, « l’Etat n’ayant fait qu’user de sa marge d’appréciation ».
Par ailleurs, la formation plénière de la Cour a dit que les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Le barème est donc validé, par la plus haute juridiction.
Certains conseils de prud’hommes voudront peut-être faire de la résistance, mais l’avis de la Cour de cassation devrait être suivi par les cours d’appel. La Cour de cassation a, en effet, comme rôle d’unifier la jurisprudence de l’ordre judiciaire en France et en cas de rébellion, aura le dernier mot, en tant que juge ultime du respect du droit.
Accès au barème d’indemnité prud’homale
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
Source : Avis n° 15012 et Avis n° 15013 du 17 juillet 2019 – Formation plénière pour avis ; Note explicative de la Cour de cassation relative aux avis n° 15012 et 15013 du 17 juillet 2019.
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