Comment doit être recueilli un témoignage ?
Employeurs et salariés ont intérêt à recueillir des témoignages, dès la procédure de licenciement pour faute grave, en prévision du jour où il faudra les produire devant les juges du licenciement. Employeurs et salariés doivent donc connaître les règles pour présenter des témoignages dans une affaire prud’homale.
Les formes à respecter pour un témoignage
Des règles de forme à respecter
Employeurs et salariés doivent pouvoir produire des témoignages devant le conseil de prud’hommes et la cour d’appel. Et pour cela, ils doivent respecter des règles de forme.
D’abord, il faut savoir que les attestations sur lesquelles on porte les témoignages doivent être individuellement écrites à la main. Le caractère manuscrit permet aux juges de considérer que le témoin ne s’est pas contenté de signer, sans vraiment comprendre ce qu’il faisait.
Les attestations doivent mentionner les états civils complets : noms et prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession. Les témoins doivent aussi préciser leurs liens avec la personne en faveur et/ou contre laquelle ils témoignent. Par exemple : frère de…, ou collègue de …, salarié de…, client de la société…..
Cependant, sauf les parties elles-mêmes, tout le monde peut témoigner, même le DRH. Et chaque témoin doit écrire en toutes lettres sur son attestation la formule suivante :
«Je reconnais avoir été informé que la présente attestation est destinée à être produite en justice et que toute fausse déclaration de ma part m’exposerait à des sanctions pénales. Fait pour valoir ce que de droit».
Et évidemment à la fin, le témoin date et signe.
Pour le conseil de prud’hommes, il faudra joindre une copie de la pièce d’identité de chaque témoin (CNI ou passeport). Et, s’il s’agit d’un étranger, il faudra sa carte de séjour, ou un document attestant de sa situation.
Obtenir des témoignages de valeur
Plus les témoins seront éloignés de la partie en faveur de laquelle ils témoignent, plus leurs témoignages auront de valeur. C’est pourquoi il faut mener très vite le recueil des témoignages.
Chaque témoin doit attester de ce dont il a eu connaissance, directement. C’est-à-dire ce qu’il a vu personnellement, ou entendu par lui-même. Il devra, dans la mesure du possible préciser la ou les date(s) des faits relatés. Si le témoin ne peut pas se souvenir de la date exacte, mieux vaut indiquer la période pendant laquelle les faits relatés se sont produits, plutôt que de risquer de commettre une erreur qui décrédibiliserait le témoignage.
Par ailleurs, mieux vaut éviter une ressemblance dans la forme entre les différents témoignages. Les conseillers prud’hommes pourraient supposer, à tort ou à raison, qu’une trop grande ressemblance entre des témoignages provient d’une concertation, voire d’une connivence, ce qui en atténuerait la force.
La difficulté du témoignage par les salariés
Les licenciements étant une affaire interne à l’entreprise, le plus souvent les témoins en faveur de l’une ou l’autre partie sont des salariés. Même si des clients, des fournisseurs ou d’autres tiers peuvent avoir assistés à des faits et de ce fait être sollicités pour témoigner. Aussi, les témoignages des salariés méritent quelques commentaires particuliers.
Le témoignage en faveur du salarié licencié
Lorsque les salariés témoignent en faveur de l’un de leur collègue licencié, ils peuvent craindre un « risque de représailles » de la part de l’employeur. Et cela quel que soit l’issue de la procédure prud’homale.
La loi protège le témoignage de bonne foi. Ainsi, le licenciement d’un salarié parce qu’il aurait témoigné est un licenciement interdit. Et un employeur ne pourra engager aucune sanction contre eux, en invoquant expressément le motif du témoignage. Un harcèlement moral du salarié serait particulièrement suspect.
Cependant, il ne peut être exclu que le salarié, qui aura témoigné contre son employeur subisse des mesures de rétorsion. Par exemple : absence d’augmentation au mérite, avancement retardé et surveillance accrue pour détecter la moindre faute à lui reprocher. C’est pourquoi, lorsqu’il y a des représentants du personnel, ou des délégués syndicaux, qui bénéficient d’une protection spéciale * dans l’entreprise, leurs témoignages pourront plus facilement être obtenus. Naturellement, cela suppose qu’ils aient été témoins directs des faits, en rapport avec les motifs, ou le contexte du licenciement du salarié.
* on parle de « salariés protégés ».
Le témoignage en faveur de l’employeur
Les salariés peuvent aussi témoigner en faveur de l’employeur, en attestant de faits dont ils ont été directement témoins. Et, bien sûr, qui sont en rapport avec les motifs du licenciement pour faute grave.
La problématique est évidemment différente du témoignage en faveur du salarié licencié. Naturellement, les juges devront prendre en considération ces témoignages. Mais les juges leur accorderont, sans doute, une valeur moindre que celui d’un tiers, du fait du lien de subordination du témoin vis-à-vis de l’employeur. Bien sûr, le témoin attestant des faits, doit le faire en toute bonne foi et être objectif. Mais une certaine suspicion d’influence de l’employeur, même si elle n’est pas exprimée, sera souvent présente. Surtout au niveau du conseil de prud’hommes.
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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