Gilets jaunes et faute grave
Des employés d’Amazon ont été licenciés pour faute grave fin 2018 et en février 2019, parce qu’ils avaient exprimé leur soutien aux Gilets jaunes sur Facebook. Ces licenciements montrent les limites de la liberté d’expression des salariés sur les réseaux sociaux. En fait l’obligation de loyauté vient limiter la liberté d’expression du salarié qui ne peut ni dénigrer son employeur, ni chercher à lui nuire. Le caractère public ou privé d’une publication sur Facebook fait aussi la différence entre liberté et faute grave.
En quoi un soutien aux Gilets jaunes peut-il être une faute grave ?
Un employeur est-il en droit de procéder au licenciement, et même plus précisément pour faute grave, lorsqu’un salarié expose ses convictions ou orientations politiques sur les réseaux sociaux et que celles-ci déplaisent à l’employeur ? Certainement pas ! Un salarié ne peut pas être licencié, ni même sanctionné, pour ses opinions ou appartenances politiques qui relèvent de sa sphère privée. L’article L 2281-3 du code du travail indique que « Les opinions que les salariés, quelle que soit leur place dans la hiérarchie professionnelle, émettent dans l’exercice du droit d’expression ne peuvent motiver une sanction ou un licenciement ».
Le soutien aux Gilets jaunes sur les réseaux sociaux ou même sur le lieu de travail n’est donc pas interdit en tant que tel.
Alors Amazon en licenciant des salariés, parce qu’ils avaient exprimé leur soutien au mouvement des Gilets jaunes sur Facebook, a-t-il commis un abus qui devra être sanctionné par la justice prud’homale ? Non au moins dans certains cas.
Nous ne possédons pas d’information sur le dossier de la plupart des salariés licenciés, il ne nous est donc pas possible d’émettre un avis les concernant. Mais, concernant le salarié licencié dans la fin de l’année dernière, ce n’est pas un simple soutien aux Gilets jaunes qui a motivé son licenciement pour faute grave par Amazon.
Pour le comprendre, il faut se rattacher au contexte et lire l’un des posts publiés sur Facebook par le salarié. Sur Facebook, il était question du blocage de l’accès à l’entrepôt d’Amazon. Le salarié avait publié des posts de soutien et d’encouragement aux Gilets jaunes dont celui-ci : « Bravo à tous pour le blocage d’Amazon. Qu’est-ce que j’étais content d’être bloqué en sortant du boulot. Vendredi ça va être Black Out Friday. Je me joins à vous quand je ne travaille pas. Bloquez tout. »
Parmi les salariés licenciés en février, un aurait donné rendez-vous à des collègues « devant la porte de son lieu de travail pour partir bloquer un entrepôt voisin, à Lesquin », dans le Nord et un autre aurait écrit : « Il faut du renfort et des palettes, les amis ! »
Le géant de l’e-commerce a considéré que ce type de « comportement est en opposition totale aux valeurs de l’entreprise » et que les propos tenus « constituent un manquement grave à l’obligation de loyauté ». Amazon s’est efforcé de démontrer la violation de l’obligation de loyauté en indiquant qu’il « ne faut pas que l’expression de cette opinion et les actions qui en découlent entravent votre travail ou celui des autres, et plus largement, désorganisent l’entreprise ».
La position d’Amazon est fondée sur le plan juridique par le fait que les salariés soutenaient et encourageaient le blocage d’un entrepôt de leur employeur, quand ils n’y participaient pas eux-mêmes. Le blocage est un acte illégal, qui est de nature à nuire gravement à l’entreprise dont l’établissement est bloqué et porte atteinte à la liberté des membres du personnel et des transporteurs empêchés d’entrer ou de sortir et de circuler. Pour un salarié, soutenir et encourager publiquement ce type d’action illégale dirigée contre son employeur est donc logiquement gravement fautive.
Différence essentielle entre une communication privée et une publication publique
La liberté d’expression est depuis longtemps fortement protégée. L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme de 1789 qui prévoit que « la libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ».
Lorsqu’un message dénigrant à l’égard de l’employeur est posté sur un réseau social au sein d’une conversation sur Facebook regroupant un nombre véritablement limité d’amis (groupe réellement restreint), il sera considéré comme protégé par le secret des correspondances. En conséquence, il ne pourra pas être utilisé par l’employeur pour sanctionner le salarié.
Par contre, lorsque le message est accessible à tous ou à un groupe extrêmement large, l’employeur aura le droit de sanctionner le salarié en cas de violation par celui-ci de son obligation de loyauté (article L 1222-1 du Code du travail).
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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Sources : France Info ; Le Parisien ; code du travail.
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