Internet au travail et licenciement pour faute grave

Internet au travail faute graveSurfer sur des sites internet au travail, ou passer du temps sur les réseaux sociaux, comme Facebook ou Tweeter, est-il un droit ou un motif de licenciement pour faute grave ? Est-ce une faute grave d’utiliser la messagerie et de télécharger des fichiers à titre personnel au travail ? Une femme enceinte, qui se connecte sur des sites concernant la grossesse, est-elle protégée ? Est-ce une circonstance aggravante, ou même condamnable au pénal, si connexions et téléchargements sont à caractère sexuel, érotique, ou pornographique ?

Toute la jurisprudence (arrêts de Cour d’appel, de la chambre sociale et de la chambre criminelle de la Cour de cassation) et l’article L. 1121-1 du Code du travail, qui répondent à ces questions, montrent que c’est tout cela à la fois.

Internet à des fins personnelles pendant le temps de travail

Cependant, de la même façon que beaucoup d’employeurs admettent quelques rapides appels téléphoniques personnels plus ou moins occasionnels, ils tolèrent souvent que leurs salariés fassent, de temps en temps, une recherche personnelle sur internet au travail. Chaque employeur peut déterminer dans quelle limite il autorise, ou il tolère, l’usage d’internet au travail à des fins personnelles.

Par ailleurs, l’article L. 1121-1 du Code du travail prescrit que : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

En raison de cet article, les juges du licenciement considèrent qu’un salarié peut se connecter à des sites Internet avec l’ordinateur fourni par l’entreprise pour son usage personnel, dès lors que les connexions restent limitées en nombre et en durée….

La CNIL estime que l’utilisation personnelle d’internet au travail « doit rester raisonnable et ne doit pas affecter la sécurité des réseaux ou la productivité de l’entreprise ou de l’administration concernée ». Par ailleurs, les sites consultés ne doivent pas être contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs.

Afin d’éviter les dérives, l’employeur peut fixer des règles dans le règlement intérieur de l’entreprise, ou dans une charte internet. Mais, il faut préciser que s’il met en place un système de contrôle, il devra informer le personnel sur celui-ci.

Généralement l’employeur autorisera d’aller sur des sites internet à titre personnel, ou sur Facebook ou un autre réseau social, pendant les temps de pause, y compris la pause-déjeuner.

Les conseils de prud’hommes et  les Cours d’appel veillent à ce que les sanctions disciplinaires ne soient pas trop sévères, lorsque l’usage d’internet au travail à titre personnel ne semble pas trop abusif. La Cour d’appel de Bordeaux a même estimé, dans un arrêt du 15 janvier 2013, qu’une heure de connexion non professionnelle par semaine, par une salariée travaillant 30 heures par semaine, ne sont pas suffisants pour justifier un licenciement….

A partir de là, certains en sont arrivés à penser, à dire et à écrire que les salariés pouvaient largement surfer et faire leurs recherches personnelles sur internet au travail. Mais attention, il y a des limites.

Surfer sur internet, ou aller sur Facebook au travail a des limites

Si une interdiction totale pour des salariés disposant d’un ordinateur et d’une connexion internet au bureau ne semble pas possible, il n’en reste pas moins que le temps de travail du salarié doit être consacré au travail et non à surfer sur internet au bureau ou à être accroché à Facebook. Sinon, la sanction peut tomber.

Ainsi le 13 juin 2013, dans une affaire concernant une salariée qui s’était connectée pendant les heures de travail, quasi-quotidiennement et à plusieurs reprises par jour, durant une quinzaine de jours, sur un site sur lequel elle se livrait à une activité commerciale, ainsi que sur des sites communautaires tels que “Facebook” et  qui avait commis des erreurs, négligences et omissions dans l’exercice de ses fonctions, la Cour d’appel de Pau a dit que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse. Le conseil de prud’hommes avaient précédemment jugé qu’il y avait dans cette affaire absence de cause réelle et sérieuse de licenciement pour faute grave.

Femme enceinte – Les risques de connections relatives à la grossesse

Dans un autre arrêt, c’est la cour d’appel de Lyon qui a jugé le 11 décembre 2013 que constituait une faute grave  pour une salariée enceinte, le fait de se connecter fréquemment et consciemment à internet pendant le temps de travail, pour des raisons non professionnelles.

Il était reproché à la salariée enceinte de s’être connectée à internet 50 à 80 minutes par jour, pendant une période d’environ 2 mois, sur des questions concernant la grossesse. La validation du licenciement pour faute grave est apparue justifiée à la cour, à partir du moment où ses « nombreuses connexions internet ont nui au bon fonctionnement de l’entreprise », du fait qu’ « une partie de son temps de travail a été soustrait à l’employeur » et que la dispersion des centres d’intérêt de la salariée l’a conduite à commettre des « erreurs anormales ».

Cet arrêt confirmant le jugement du conseil de prud’hommes revêt une grande importance, car la salariée bénéficiait de la protection particulièrement forte de l’article L1225-4 du code du travail. Cet article interdit de « rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse… et pendant …. le congé de maternité …. ainsi que pendant les quatre semaines suivant l’expiration de ces périodes. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée [en dehors de la période du congé de maternité], non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. …».

Les trois arrêts de cours d’appel que l’on vient de citer, ne sont pas des décisions de la Cour de cassation, qui est la juridiction du niveau le plus élevé. Même si un arrêt de  cour d’appel constitue une  jurisprudence, rien ne garantit, que d’autres juges du licenciement jugeront de manière similaire, d’autant plus qu’il y a de sérieuse différence entre les trois arrêts.

Un abus entraine le licenciement pour faute grave ou même faute lourde et ….

Il est intéressant d’examiner les jurisprudences de la chambre sociale et de la chambre criminelle de la Cour de cassation, même si celles-ci ne permettent pas de connaître le plafond de ce qui est acceptable, car non abusif.

La jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation

Si l’emploi de la connexion internet au travail à des fins personnelles est abusif, cela peut justifier une sanction disciplinaire allant jusqu’au licenciement pour faute grave, voire même jusqu’au licenciement pour faute lourde et à une sévère condamnation pénale.

Les abus sanctionnables seront établis dès lors que, par exemple, le salarié :

  • aura utilisé abusivement un accès internet au travail pour un usage non-professionnel pendant son temps de travail (le nombre et les durées des connections seront pris en compte ;
  • aura consulté des sites érotiques ou pornographiques sur son lieu de travail ;
  • aura utilisé la messagerie au nom de l’entreprise pour des échanges de nature à porter préjudice à l’image de l’entreprise ;
  • aura téléchargé au travail des logiciels extérieurs à l’entreprise et non autorisé ;
  • ou, aura créé un préjudice à l’entreprise, par exemple en téléchargeant un gros volume de fichiers, ayant entrainé un encombrement du réseau.

La sanction devra être proportionnée et ira de l’avertissement au licenciement pour faute grave, voire faute lourde, selon la gravité de l’abus commis par le salarié.

Ainsi, par exemple, la Cour de cassation, dont les décisions font jurisprudence, a considéré que :

  • Une connexion, à des fins personnelles, par un salarié, exerçant les fonctions de chef de dépôt, pendant une durée de 41 heures sur un mois, rendait impossible son maintien dans l’entreprise et était constitutif d’une faute grave (mercredi 18 mars 2009, N° de pourvoi: 07-44247) ;
  • L’utilisation de sa messagerie par un salarié pour la réception et l’envoi de documents à caractère pornographique un nombre conséquent de tels fichiers constituaient un manquement délibéré et répété à l’interdiction posée par la charte informatique, étaient susceptibles pour certains de revêtir une qualification pénale, étaient constitutifs d’une faute grave et justifiaient le licenciement immédiat de l’intéressé (mercredi 15 décembre 2010 N° de pourvoi : 09-42691).
  • Avoir permis à un autre salarié, qui n’y était pas habilité, d’utiliser son code d’accès pour télécharger des informations confidentielles, en méconnaissance des dispositions de la charte informatique, rendait impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise (mardi 5 juillet 2011, N° de pourvoi: 10-14685).
  • La consultation de différents sites internet, à partir de l’ordinateur de l’agence, dont les plus nombreux étaient les sites  « d’activité sexuelle et de rencontres  » et le dernier site était destiné au téléchargement d’un logiciel permettant d’effacer les fichiers temporaires du disque dur,  constituaient à eux seuls des manquements graves du salarié à ses obligations découlant du contrat de travail,  étaient constitutifs d’une faute grave (mercredi 21 septembre 2011  N° de pourvoi: 10-14869).
  • L’utilisation de manière répétée pendant les heures de service des ordinateurs mis à sa disposition pour l’exécution de sa prestation de travail, par un directeur de deux établissements, en se connectant pendant les heures de service, au vu et au su du personnel, à des sites pornographiques sur internet, a légalement justifié le licenciement pour faute grave (jeudi 10 mai 2012, N° de pourvoi: 10-28585).
  • Plus de 10 000  connections à de nombreux sites extraprofessionnels ainsi qu’à des réseaux sociaux sur 18 jours par une responsable juridique, pendant son temps de travail présentait, malgré l’absence de définition précise du poste de la salariée, un caractère particulièrement abusif et constitutif d’une faute grave (mardi 26 février 2013, N° de pourvoi: 11-27372).
  • L’envoi par un technicien de maintenance, à partir de l’ordinateur mis à sa disposition par l’entreprise,  de 178 courriels accompagnés de vidéos à caractère sexuel, humoristique, politique ou sportif à des collègues, en violation de ses obligations contractuelles et du règlement intérieur de l’entreprise prohibant les connexions sur internet à des fins personnelles, caractérise une faute et justifie le licenciement (mercredi 18 décembre 2013, N° de pourvoi : 12-17832).

Au pénal : détournement de l’ordinateur et de la connexion internet au travail, 6 mois de prison avec sursis

Un usage abusif de l’ordinateur et de la connexion internet au travail peut entraîner des poursuites pénales et une lourde condamnation à l’encontre du salarié.

Ainsi, selon la chambre criminelle de la Cour de cassation, se rend coupable du délit d’abus de confiance le salarié qui détournait l’ordinateur (mis à sa disposition par son employeur) et la connexion internet de son usage professionnel, pour visiter des sites à caractère érotique ou pornographique et pour stocker, sur son disque dur, de très nombreux messages et photographies de même nature. Ce salarié avait utilisé sa messagerie, ouverte à son nom au sein de la société qui l’employait, pour des envois ou des réceptions de courriels se rapportant à des thèmes sexuels ; et alimentait et consultait, depuis son ordinateur professionnel et aux heures de travail, le site personnel à caractère pornographique qu’il avait créé (mercredi 19 mai 2004 N°: 03-83953).

Ce salarié avait été condamné à 6 mois de prison avec sursis et à payer 20 000 euros à titre de dommages-intérêts à son ancien employeur, par la Cour d’appel de PARIS, en date du 25 avril 2003. Son pourvoi a été rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui l’a condamné en plus à 2 000 euros, au titre de l’article 618-1 du Code de procédure pénal.

Sur le plan social, c’est le manquement du salarié à ses obligations contractuelles qui est sanctionné. Une telle condamnation est généralement précédée d’un licenciement pour faute lourde, qui ressemble au licenciement pour faute grave, mais est encore plus sévère pour le salarié.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.

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Sources : code du travail ; jurisprudences des cours d’appel et de la Cour de cassation Légifrance.gouv.fr.

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