Exhibitionnisme
Un pharmacien salarié, s’étant déshabillé dans des bureaux et ayant exposé ses attributs sexuels devant les personnes présentes, a été licencié pour faute grave. Le licenciement pour faute grave était-il légitime, sans préalablement solliciter l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié ? La Cour de cassation s’est prononcée le 8 octobre 2014.
Circonstances du licenciement pour faute grave et position de la cour d’appel
Un pharmacien, chef de rayon, embauché trois ans ½ plus tôt par les hypermarchés Carrefour, s’est déshabillé dans les bureaux du service de la comptabilité et a exposé ses attributs sexuels devant l’ensemble des personnes présentes.
Le même jour, le 7 décembre 2000, le salarié était convoqué à 19 heures par le directeur à son bureau, et prévenu d’une procédure de licenciement à son encontre. Le salarié aurait alors dit « je plaide l’amnésie antérograde » et aurait demandé à être confronté aux personnes présentes lors de l’incident, ce qui ne fut pas fait.
Le 29 décembre 2000, après que le salarié convoqué à l’entretien préalable, n’y ait pas participée, car il était alors en arrêt maladie, l’employeur lui a notifié son licenciement pour faute grave.
Selon la Cour d’appel, le licenciement était « prématuré »
L’ancien chef de rayon ayant engagé une action prud’homale pour contester son licenciement, la Cour d’appel de Paris, eut à se prononcer. Elle rendit un arrêt favorable au salarié, le 23 avril 2013.
Pour condamner la société Carrefour à payer au salarié des indemnités de rupture et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d’appel a retenu qu’il ressortait des attestations de deux salariées témoins :
- pour la première, que l’intéressé avait baissé son pantalon ;
- et pour la seconde, que ses collègues et elle-même l’avaient vu baisser son pantalon et son sous-vêtement et qu’elles en étaient restées bouche bée.
La cour d’appel en a retenu :
- que le comportement reproché relevait « d’un moment d’égarement ponctuel et isolé et non d’un acte conscient et délibéré à finalité exhibitionniste » ;
- que devant ce comportement étrange du salarié, l’employeur aurait dû demander l’avis du médecin du travail sur son aptitude, d’autant plus que le salarié avait indiqué au directeur qu’il avait eu une amnésie antérograde ;
- et que le licenciement était donc prématuré et par conséquent ouvrait droit à réparation.
Le pourvoi en cassation
La société Carrefour hypermarchés contestant évidemment l’arrêt de la Cour d’appel de Paris a formé un pourvoi en cassation.
La défense du salarié
Le salarié se défendait en affirmant qu’il s’agissait d’un acte isolé, qui avait été rendu possible par un trouble mental passager et que dans ces conditions son licenciement aurait dû obligatoirement être précédé par une expertise médicale. De plus, il affirmait avoir été victime d’un harcèlement moral, ce qui aurait été à l’origine de l’altération de sa santé mentale déjà affectée par les circonstances de sa vie.
Le salarié en concluait que dans la mesure où une expertise médicale aurait révélé que l’exhibition sexuelle révélait une perturbation d’ordre psychologique, il n’aurait pas pu être licencié pour raison de santé, puisque cela est interdit par les règles du droit du travail.
Les arguments de l’employeur
L’employeur faisait, quant à lui, valoir :
- que la cour d’appel avait relevé que les faits ayant justifié le licenciement pour faute grave, consistant à « s’être déshabillé dans les bureaux de la Comptabilité et avoir exposé ses attributs sexuels devant l’ensemble des personnes présentes » étaient matériellement établis ;
- que rien n’avait pu amener l’employeur à douter de la santé mentale du salarié avant les événements ;
- que le salarié avait été déclaré apte sans réserve, quelques mois à peine avant les faits ;
- et donc que la Cour d’appel avait privé sa décision de base légale, en affirmant que le comportement du salarié relevait d’un « moment d’égarement ponctuel et isolé » et non d’un « comportement conscient et délibéré à finalité exhibitionniste », pour reprocher à la société carrefour hypermarché de ne pas avoir demandé l’avis de la médecine du travail avant de procéder au licenciement, « aux seuls prétextes que les témoins des faits ne faisaient état dans leurs attestations que d’un étonnement et non d’un choc et que le salarié avait par ailleurs affirmé ultérieurement à son employeur qu’il aurait eu une amnésie antérograde au moment des faits ».
De plus, l’employeur, rappelant que le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause, affirmait que « les témoins se bornaient [ … ] à faire une relation des faits strictement objective sinon à exprimer leur stupéfaction, sans à aucun moment préciser ni [ … ] évoquer la circonstance que [le salarié licencié] aurait eu, ou non, la conscience et la volonté délibérée de s’exhiber ». L’employeur en déduisait que la Cour d’appel a dénaturé les attestations, en considérant que les attestations « confirment » cette absence de conscience et de volonté délibérée (à finalité exhibitionniste) de l’ancien chef de rayon.
La cour de cassation justifie le licenciement pour faute grave
La cour de cassation, a considéré : « Qu’en se déterminant ainsi par des motifs insuffisants à exclure la faute grave et alors qu’elle avait relevé que le médecin du travail avait déclaré le salarié apte sans réserve le 23 février 2000 et qu’il n’était pas établi ni même allégué que l’employeur avait connaissance de l’état de santé mentale de l’intéressé avant l’incident, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
En conséquence la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris, a renvoyé les parties devant la cour d’appel de Paris, autrement composée et condamné l’ex-salarié aux dépens (Cour de cassation, chambre sociale, 8 octobre 2014, N°: 13-20070).
Source de la jurisprudence arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr
Résumé : Un salarié a été licencié pour faute grave, au motif qu’il s’était déshabillé dans des bureaux et avait exposé ses attributs sexuels devant les personnes présentes.
Selon la cour d’appel, le licenciement était prématuré et ouvrait droit à réparation, car les faits relevait d’un moment d’égarement ponctuel et isolé et non d’un acte conscient et délibéré d’exhibitionnisme et il appartenait à l’employeur de demander l’avis du médecin du travail sur l’aptitude du salarié. La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, car les éléments mis en avant étaient insuffisants pour exclure la faute grave, d’autant plus que le médecin du travail avait peu de temps avant déclaré le salarié apte sans réserve.
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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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