Les risques du licenciement amiable
Mise à jour le 17 septembre 2019. Si la plupart des licenciements amiables se passent bien, ils ne sont pas sans risques et les risques sont même grandissants. Il importe de les connaître avant de décider et ceux qui pratiquent le licenciement amiable doivent systématiquement prendre un certain nombre de précautions.
Pour connaître et comprendre les différentes formes de licenciement amiable, avant d’étudier les risques >> cliquez ici.
Le risque de remise en cause par l’un des signataires
Ce risque doit être examiné pour les différentes formes de rupture amiable.
Les modes de rupture amiables prévus par la loi
La rupture conventionnelle de CDI et la rupture amiable de CDD reposent sur un accord de l’employeur et du salarié qui prévoient ensemble les conditions de cessation du contrat de travail. En conséquence, elles ne doivent pas avoir été signées sous la contrainte, sans quoi, elles seraient nulles. Mais dans la pratique, l’invocation et la preuve d’une telle contrainte sont vraiment très rares.
Concernant la rupture conventionnelle de CDI, l’homologation par la DIRECCTE (1), qui est obligatoire, en garantie la régularité et doit normalement éviter une erreur sur l’indemnité minimale prévue pour le salarié.
L’autre formule : le licenciement généralement avec une transaction
L‘employeur va généralement chercher à se protéger dans le cadre d’un licenciement amiable, par une transaction, afin d’éviter une remise en cause du licenciement (généralement pour faute grave), par le salarié, mais cela n’est pas suffisant. En effet, pour qu’il y ait une pleine sécurité, plusieurs conditions doivent être réunies.
Qu’est ce que la transaction ?
La transaction résulte de l’article 2044 du Code civil, qui la définie comme « un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître ». La transaction intervient pour mettre fin à une procédure en cours, devant les juges, ou pour l’éviter. L’employeur et le salarié doivent faire des concessions et celles-ci doivent être actées par un écrit qui met fin au litige. De plus, l’article 2052 alinéa 1 du code civil dispose que : « Les transactions ont, entre les parties, l’autorité de la chose jugée en dernier ressort ».
Les possibilités de remise en cause de la transaction
Il ne doit pas y avoir eu de vice de consentement (exemple simple : salarié ne comprenant pas le français et signant sans savoir quoi).
Il doit y avoir eu des concessions, de la part de l’employeur et du salarié, après une contestation (le désaccord) qui doit être indiqué.
Les signataires doivent, bien sûr, tenir leurs engagements (versement d’indemnités, éventuellement obligation de discrétion, obligation de non-concurrence…), une sanction de la non-exécution peut être prévue sous la forme d’une clause pénale (indemnité forfaitaire prévue d’avance), pour certaines obligations à tenir dans l’avenir (comme la discrétion par exemple). Selon la Cour de cassation, « la transaction, qui ne met fin au litige que sous réserve de son exécution, ne peut être opposée par l’une des parties que si celle-ci en a respecté les conditions » (Cour de cassation, chambre civile 1, 12 juillet 2012, N°: 09-11582).
La Cour de cassation a aussi précisé que « la transaction ayant pour objet de prévenir ou terminer une contestation, celle-ci ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu’il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement » (Cour de cassation, chambre sociale, 11 juillet 2007, N°: 06-44335).
Enfin, la Cour de cassation considère qu’en matière de transaction consécutive à la rupture d’un contrat de travail, l’erreur du salarié sur l’étendue de ses droits à indemnisation (en l’espèce, la nature et le montant des indemnités de rupture) s’analyse comme une erreur fondée sur l’objet de la transaction et peut de ce fait entraîner la résiliation de la transaction (Cour de cassation, chambre sociale, 24 novembre 1998, N°: 95-43523).
Comment l’employeur et le salarié se prémunissent-ils ?
Avant de s’engager dans un licenciement amiable, il convient de mesurer le risque :
- au regard de la confiance pouvant être apportée à l’autre partie ;
- à l’intérêt que pourrait avoir l’autre partie à faire annuler la transaction (si l’accord est bénéfique pour les deux parties pourquoi l’une d’elle voudrait-elle la faire annulée ?) ;
- et des précautions prises.
Les précautions indispensables
Un véritable dossier de licenciement avec des preuves va être constitué. Selon le motif de licenciement choisi, le dossier va comprendre les pièces adaptées, pour le justifier. En pratique, le dossier est constitué exactement comme si le licenciement n’était pas amiable. La différence est que le salarié coopère avec l’employeur pour ce faire.
La convocation à l’entretien préalable remise en main propre est signée par le salarié pour attester de sa remise dans les délais légaux. Une lettre de licenciement (généralement pour faute grave) dûment motivée est envoyée en recommandé avec accusé de réception au salarié. La transaction et le chèque l’accompagnant vont comporter une date postérieure à la réception de la lettre de licenciement par le salarié. Un calendrier aura nécessairement été préalablement défini en cohérence parfaite avec les obligations légales au niveau des délais.
Ceux qui pratiquent le licenciement amiable signent les différents documents, inversement aux dates indiquées, ce qui rassure l’un et l’autre.
Le risque de redressement par l’URSSAF
Ce risque existe pour l’employeur si des sommes devant être soumises à cotisations ne l’étaient pas. Mais, il peut aussi venir du fait que la transaction consécutive à un licenciement pour faute grave pourrait être analysée comme le renoncement à la faute grave.
En cas de contrôle par l’URSSAF, l’entreprise va devoir produire les transactions et lorsqu’il s’agit d’un licenciement pour faute grave, l’URSSAF va considérer que les sommes versées le sont en premier lieu pour le préavis de licenciement. La conséquence pour l’employeur est que l’URSSAF réintègre dans l’assiette des cotisations la partie d’indemnité transactionnelle qu’elle estime correspondre au préavis dont le salarié aurait bénéficié en l’absence de faute grave.
L’URSSAF part du principe que si l’employeur verse une somme transactionnelle, cela signifie qu’il renonce à la faute grave. Ce raisonnement paraît contestable, car une entreprise peut très bien estimer sa position sur la faute grave justifiée, tout en préférant éviter un contentieux prud’homal, ne serait-ce que pour éviter le temps à y consacrer. Mais, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel :
- d’avoir énoncé « qu’en cas de versement au salarié licencié d’une indemnité forfaitaire, il appartient au juge de rechercher si, quelle que soit la qualification retenue par les parties, elle comprend des éléments de rémunération soumis à cotisations, et observe justement qu’en l’occurrence, le versement d’une indemnité en plus des indemnités de congés payés impliquait que l’employeur avait renoncé au licenciement pour faute grave initialement notifié, de sorte qu’il ne pouvait se prévaloir des effets de celui-ci »
- et d’en avoir déduit « que l’indemnité transactionnelle globale comprenait nécessairement l’indemnité compensatrice de préavis sur le montant de laquelle les cotisations étaient dues » (Cour de cassation, 2ème chambre civile, 20 septembre 2012, N°: 11-22916).
Une jurisprudence de la Cour de cassation du 4 avril 2019 va dans le même sens. Il en ressort que l’employeur doit rapporter la preuve que l’indemnité ajoutée par transaction compense pour l’intégralité de son montant un préjudice pour le salarié, faute de quoi un redressement URSSAF est justifié.
Comment l’employeur s’efforce-t-il de se prémunir ?
L’employeur va se prémunir, en disposant d’un vrai dossier justifiant le licenciement et la faute grave, si un licenciement pour faute grave a été monté pour faire le licenciement amiable.
Si l’indemnité transactionnelle est d’un faible montant, inférieur à ce que représenterait l’indemnité de préavis, l’argument qu’elle ne peut pas correspondre à une compensation du préavis pourra être soutenu, sans que cela soit suffisant pour être admis.
C’est pourquoi, dans le texte de la transaction, sera prévu :
- un refus express par le salarié de tout préavis et un renoncement à tout droit à celui-ci ;
- et que la somme versée correspond à une contrepartie du renoncement par le salarié à toute contestation du licenciement.
Avertissement
Le droit du travail est un domaine évolutif et donc ne permettant pas de certitudes. Le licenciement amiable, qui ne rentre pas dans le cadre de la légalité ne peut pas à fortiori être garanti sans risque… Il est cependant souvent pratiqué.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.
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(1) Direccte : direction de l’administration regroupant différents services, dont ceux de l’inspection du travail.
Voir notre article : le licenciement amiable.
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