La faute lourde
La faute lourde est la plus grave parmi les fautes. Définition, procédure, exemples de fautes lourdes et conséquences. Ce qui distingue la faute lourde de la faute grave est l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise. Il ne suffit pas que les faits soient intentionnels, il faut une réelle intention de nuire. Les faits qualifiant une faute lourde sont souvent, mais pas toujours, passibles d’une condamnation pénale. Quels que soient les faits reprochés au salarié, les juges contrôlent l’existence de l’intention de nuire.
L’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, qui fait d’une faute grave une faute lourde, doit être prouvée. Cela explique pourquoi les exemples de faute lourde, tirés de la jurisprudence, sont relativement peu nombreux. Nous les avons classés en cinq catégories.
1ère catégorie de faute lourde : les actes délibérés d’indiscipline
Les faits d’indiscipline suivant ont été considérés comme faute lourde : la divulgation d’informations secrètes de l’entreprise dans l’intention de lui nuire ; le fait de proférer des injures à l’égard de l’employeur ; ou celui de proférer des insultes et menaces répétées en public à l’encontre du dirigeant de la société.
2ème catégorie de faute lourde : les agressions et les dégradations volontaires
L’agression physique, la violence physique du salarié à l’encontre de l’employeur est bien évidemment une faute lourde. Il en est de même de dégradations volontaires de biens appartenant à l’entreprise, ou d’un sabotage dans le but d’empêcher la production ou de se venger. L’effacement volontaire de la comptabilité dans les fichiers informatiques de l’entreprise, ou l’introduction volontaire d’un virus dans le système informatique sont aussi des fautes lourdes.
3ème catégorie de faute lourde : les actes frauduleux
Détourner des sommes par encaissement de chèques établis par des clients en procédant à de fausses opérations comptables qui masquaient les opérations frauduleuses, fait ressortir une intention de nuire à l’employeur. Elle constitue donc une faute lourde.
Les juridictions ont aussi reconnu, diverses fois, la faute lourde à la suite de détournement de fonds important au préjudice de l’employeur. Ou même d’une entreprise en unité économique et sociale avec celle de l’employeur.
La tromperie sur les recettes de l’entreprise faussant l’appréciation des résultats et ayant une incidence sur la gestion de l’entreprise est également constitutive d’une faute lourde. De même, la falsification de documents de l’entreprise peut constituer une faute lourde.
Les juges ont analysée en malversation commise au préjudice de son employeur justifiant le licenciement pour faute lourde le détournement et la revente de carburant de la part d’un directeur, malgré l’interdiction de ces pratiques par le Président de la société.
Des vols de matériels ou de fichiers confidentiels (fichiers clients) sont aussi des fautes lourdes. Mais attention, c’est parce l’on a constaté l’intention de nuire que la faute lourde est reconnue.
En cas de vol, le fait que le salarié soit reconnu coupable d’un vol n’est pas, en soi, suffisant pour prouver l’intention du salarié de nuire à l’entreprise ou à l’employeur et donc pour justifier son licenciement pour faute lourde. C‘est pourquoi, le vol est le plus souvent seulement qualifié de faute grave.
4ème catégorie de faute lourde : le dénigrement de son employeur
L’intention de nuire caractérisant une faute lourde a été constatée pour un responsable projet qui avait notamment pris contact avec les clients de la société dont il était salarié pour dénigrer la qualité des services de celle-ci et sa capacité à maintenir et développer les logiciels et les détourner sur une autre société.
L’envoi d’une lettre anonyme, dénonçant de graves manquements imputés sans fondement à l’employeur, au seul client de l’entreprise, en jetant ainsi le discrédit sur cette dernière, a été jugé comme caractérisant l’intention de nuire du salarié et donc justifiant le licenciement pour faute lourde.
5ème catégorie de faute lourde : la déloyauté au profit de la concurrence
La copie de fichiers informatique pour la concurrence, le détournement de la clientèle au profit d’une entreprise concurrente, ou la constitution d’une entreprise concurrente pendant la durée du contrat de travail ont été reconnus comme constituant une faute lourde.
A également été reconnu comme faute lourde, le fait pour un chef d’exploitation de favoriser une entreprise concurrente dans laquelle son épouse avait des intérêts, en mettant à sa disposition du personnel et du matériel de la propre société, dont il était salarié. Il en avait été de même pour le cas d’une cadre, chargée de l’administration générale et de la comptabilité, qui avait laissé à la charge de son employeur, des factures incombant à l’entreprise de son conjoint, « ce qui manifestait en même temps la volonté de nuire à l’entreprise ».
Salarié gréviste
Seule la faute lourde peut entraîner le licenciement d’un salarié pour des faits commis alors qu’il était en grève. Un employeur qui n’avait invoqué à tort que la faute grave, a vu le licenciement rendu caduc et impossible. Car le juge n’a pas la possibilité de requalifier à la hausse le degré de la faute et seule la faute lourde autorise le licenciement lorsque le salarié est en grève.
L’intention de nuire doit être prouvée
L’employeur doit prouver l’intention de nuire du salarié. Le fait que la faute est particulièrement grave (comme par exemple un abandon de poste) ne prouve pas l’intention de nuire. Et l’existence d’un préjudice pour l’entreprise ne le prouve pas non plus. Même, le fait que le salarié soit condamné sur le plan pénal pour les faits reprochés ne prouve pas non plus son intention de nuire. Pour certaines fautes, l’intention de nuire sera assez facile à démontrer si les faits sont établis (destruction volontaire de matériel, par exemple). Mais dans bien d’autres cas seule la faute grave pourra être reconnue.
Les conséquences de la faute lourde
La faute lourde étant en quelque sorte une faute grave, avec en plus l’intention de nuire à l’entreprise ou à l’employeur, la procédure de licenciement pour faute lourde est celle applicable en cas de licenciement pour faute grave, avec :
La mise à pied à titre conservatoire
La mise à pied à titre conservatoire, est une mesure d’attente de la décision de l’employeur. La faute lourde impliquant, comme la faute grave, que le maintien du salarié dans l’entreprise n’est plus possible, la mise à pied est de fait indispensable.
La mise à pied à titre conservatoire suspend immédiatement l’exécution du contrat de travail. En principe, l’employeur doit la notifier au salarié simultanément, ou presque, à sa convocation à l’entretien préalable au licenciement.
L’entretien préalable
Comme pour les autres licenciements, l’employeur doit convoquer le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement par lettre recommandée avec accusé de réception, ou par remise en main propre contre décharge. Puis au cours de l’entretien préalable, l’employeur doit indiquer les motifs du licenciement envisagé et recueillir les explications du salarié.
La règle est que la convocation pour l’entretien doit être faite simultanément, ou presque (le lendemain est admis) de la mise à pied conservatoire. Cependant, en cas de poursuites pénales engagées contre le salarié, ce qui est généralement le cas lorsqu’il y a faute lourde, l’employeur n’a pas l’obligation de déclencher la procédure de licenciement, par une convocation du salarié à l’entretien préalable au licenciement dès la mise à pied à titre conservatoire du salarié *. La mise à pied étant prononcée, l’entretien et le licenciement peuvent donc être différés dans l’attente des décisions pénales.
* (Cour de cassation, mardi 4 décembre 2012 N°: 11-27508).
La notification du licenciement pour faute lourde
La notification du licenciement pour faute lourde ne peut intervenir au plus tôt que deux jours ouvrables après la tenue de l’entretien préalable.
Par ailleurs, le licenciement pour faute lourde ne peut intervenir plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable.
Pour l’ensemble de la procédure, il faut vérifier si la convention collective ou un accord d’entreprise ne prévoit pas d’autres dispositions obligatoires.
Conséquences financières de la faute lourde
Comme la faute grave, la faute lourde prive le salarié de l’indemnité de préavis et de l’indemnité de licenciement. Mais, alors que pour la faute grave le salarié peut avoir des chances de faire requalifier son licenciement en simple cause réelle et sérieuse, lorsqu’il s’agit de faute lourde, le salarié n’a guère lieu d’espérer.
Le salarié licencié pour faute lourde perd aussi son droit individuel à la formation et son droit au maintien des garanties complémentaires santé et prévoyance.
Depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 02 mars 2016 *, le salarié licencié pour faute lourde conserve ses droits en matière de congés payés. Comme le salarié licencié pour faute grave. Cette nouvelle règle ne s’applique toutefois pas pour les cas ayant fait l’objet d’un jugement définitif contraire à la date de publication de la décision du Conseil Constitutionnel.
* QPC N° 2015-523.
Par ailleurs, comme pour la faute grave, le salarié licencié pour faute lourde ne perd aucun droit aux allocations d’assurance-chômage.
L’entreprise qui a subi un préjudice, peut réclamer des dommages et intérêts au salarié licencié pour faute lourde. Seule la faute lourde le permet. Dans les autres cas, y compris lorsqu’il y a faute grave, l’absence d’intention de nuire exempte le salarié de toute réparation financière du préjudice qu’il a pourtant causé : « La responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne peut résulter que de sa faute lourde » (Cour de Cassation, mardi 21 octobre 2008, N° 07-40809).
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Pour en savoir plus vous pouvez lire notre article : Licenciement – faute grave et faute lourde
et si vous avez été intéressés par ces exemples de fautes lourdes, vous aimerez sans doute lire notre article : Faute grave : exemples
Article rédigé par Pierre LACREUSE : Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne. Ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME). Et aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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Questions réponses sur la faute lourde
S’agit-il d’une faute lourde ?
Bonjour, je viens de m’apercevoir qu’une de mes vendeuses, qui a la langue agile, mentait volontairement pour nuire au bon voisinage entre commerçants, ou envers les autres employés, pour pouvoir tirer satisfaction des querelles engendrées. J’en ai des preuves et témoignage désormais. S’agit-il d’une faute lourde ? Ayant peu de salarié je n’ai pas de syndicat pour l’accompagner. Dois-je la rencontrer seul en enregistrant la séance ou bien autre procédure ? Je la rencontre demain pour un premier jet afin de comprendre ses motivations. Cordialement.
L’employeur doit proportionner la sanction à la faute commise
Bonjour, Un employeur doit proportionner la sanction à la faute commise. S’il y a une réelle intention de nuire que l’employeur pourra prouver, cela pourrait correspondre à une faute lourde. Mais attention, les faits doivent être graves, sinon les juges pourront considérer que le motif du licenciement n’est pas sérieux. En effet, les Conseils de prud’hommes sont très souvent assez indulgents avec les salariés. Il faut savoir, par exemple, que l’ancienneté du salarié, jouera en sa faveur…
La rigueur est nécessaire
Soyez prudent :
- pour les témoignages, il faut respecter les formes requises ; ainsi un enregistrement ne constituera pas une preuve loyale et donc valable si vous n’informer pas l’intéressée préalablement, ou si vous ne pouvez pas prouver cette information préalable ;
- vous devez engager immédiatement une mise à pied conservatoire si vous envisagez un licenciement pour faute grave, ou lourde. Et si vous la mettez à pied à titre conservatoire, vous devez le même jour, ou le lendemain, la convoquer à un entretien préalable au licenciement envisagé. Vous pouvez prévoir plus que le délai minimal entre la convocation et l’entretien, pour avoir le temps de vous préparer. Avant de prendre une décision définitive sur le licenciement, avec les risques prud’homaux importants pour une TPE ou PME qu’elle peut entraîner, mesurez bien les faits et vos chances, ou risques sur le plan juridique. Une solution amiable peut être un moyen de limiter les risques. Vous auriez probablement intérêt à vous faire conseiller dès à présent par un avocat.
Bien cordialement.
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