Critique excessive devant un client

Une salariée sortant à peine d’une mise à pied disciplinaire est mise à pied à titre conservatoire et convoquée à un entretien préalable pour son licenciement, elle commet alors de nouvelles fautes. Des propos très critiques à l’encontre de son employeur en présence d’une cliente lui sont reprochés. Elle est licenciée pour faute grave.

Le contexte du licenciement pour faute grave

Une salariée qui avait été engagée en juillet 2000 par une société de services d’externalisation, en qualité d’hôtesse standardiste. A son retour d’un congé de maternité, la salariée avait été affectée en qualité d’hôtesse standardiste dans une société cliente, un avenant à son contrat de travail étant signé en date du 9 octobre 2001. Le même jour son employeur lui reprochait par lettre une indiscipline caractérisée. Puis le 6 mars 2002 l’employeur lui notifiait une mise à pied disciplinaire.

Quelques jours après la fin de sa mise à pied disciplinaire, l’employeur convoquait la salariée à un entretien préalable à un licenciement. Malgré son information par un appel téléphonique de son employeur, le 15 mars, l’informant de sa mise à pied conservatoire, la salariée s’est présentée sur son lieu de travail et a cherché à se maintenir, bien qu’ayant reçu confirmation par fax de la mesure conservatoire accompagnant sa convocation pour l’entretien préalable. La salariée a finalement été licenciée pour faute grave le 26 mars 2002.

La lettre de licenciement pour faute grave, envoyée en recommandé avec accusé de réception,  précisait que les griefs de l’employeur consistaient en un délai de prévenance trop court pour une absence, un refus d’obtempérer à une instruction, un dénigrement et des propos tendancieux à l’égard de la société auprès du client, le manquement à une obligation de confidentialité contractuelle.

Le contentieux et la question de la faute grave

Estimant son licenciement abusif, car correspondant à une double sanction (par la mise à pied disciplinaire et par le licenciement), la salariée a saisi le Conseil de prud’hommes de Nanterre de diverses demandes.

Jugement des prud’hommes et infirmation en appel

Par jugement en date du 22 mars 2004 le Conseil de Prud’hommes a condamné l’employeur a payé diverses sommes à la standardiste aux titres du salaire de la mise à pied conservatoire, d’indemnité compensatrice de préavis et de l’indemnité de congés payés sur ces périodes et un solde. Mais le conseil de prud’hommes a débouté la salariée de sa demande d’indemnité pour licenciement abusif. Le Conseil de prud’hommes a validé le licenciement mais pas la faute grave.

Insatisfaite, la salarié a interjeté appel de cette décision, en demandant à la Cour d’appel de Versailles de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il lui avait accordé certaines sommes et de l’infirmer pour le surplus au motif que le licenciement n’aurait reposé sur aucune cause réelle et sérieuse. La salariée réclamait toujours une la somme de 6 948 €uros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive.

L’employeur sollicitait pour sa part l’infirmation de la décision du conseil de prud’hommes, qui n’avait pas retenu le caractère et les conséquences de la faute grave et le remboursement des sommes versées au titre de l’exécution provisoire.

La Cour d’appel de Versailles, considérant que les faits invoqués par la lettre de licenciement étaient distincts et survenus postérieurement de ceux ayant motivé la mise à pied disciplinaire, en a conclu « qu’en critiquant son employeur et la facturation faite par ce dernier de ses prestations auprès du client […], la salariée a commis une faute grave rendant impossible son maintien dans l’entreprise pendant son préavis » et a donc infirmé la décision du Conseil de prud’hommes (Cour d’appel de Versailles, du 9 février 2006).

L’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, qui justifie le licenciement pour faute grave, lui étant totalement défavorable, la salariée a formé un pourvoi en cassation.

Les arguments de la salariée

Selon la salariée :

  • l’arrêt de la Cour d’appel aurait dénaturé les motifs de la lettre de notification de mise à pied du 6 mars 2002 (sanction disciplinaire) et de la lettre de licenciement du 26 mars 2002 qui s’y réfère. Selon elle, les faits énoncés étaient « aussi vagues qu’identiques, puisqu’ils font état d’une prétendue attitude d’insubordination, ce qui traduit une violation de la règle non bis in idem » (les mêmes faits ne peuvent pas être sanctionnés deus fois), ainsi que de divers articles du code du travail et de l’article 1134 du code civil.
  • l’arrêt de la Cour d’appel n’aurait pas caractérisé la faute grave en faisant seulement référence « aux pièces versées aux débats, la seule attestation très nuancée d’un client de l’employeur n’y pouvant suffire ».

Pour la Cour de cassation, il y a bien faute grave

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la salariée, en considérant :

  • que la cour d’appel, avait relevé, sans dénaturation, que la salariée avait fait l’objet d’une mise à pied disciplinaire en raison de son comportement insultant, indiscipliné et de ses remarques déplacées sur l’entreprise en présence d’un client et que le licenciement sanctionnait des faits distincts qui étaient survenus postérieurement.
  • que la cour d’appel, qui avait retenu « que la salariée avait refusé d’obtempérer à une instruction de son employeur de quitter son lieu de travail et avait tenu des propos très critiques à l’encontre de son employeur en présence d’une cliente, a pu décider que le comportement de l’intéressée, qui avait déjà été sanctionnée pour des faits de même nature, rendait impossible son maintien dans l’entreprise et constituait une faute grave ». (Cour de cassation, chambre sociale, 9 avril 2008, N°: 06-46171)

Sources de la jurisprudence : arrêt de la cour d’appel et arrêt de la Cour de cassation : Legifrance.gouv.fr

Résumé : Une salariée qui avait refusée de quitter son travail, alors que son employeur lui avait fait part de sa mise à pied conservatoire et l’avait convoquée à un entretien préalable au licenciement et avait tenu des propos très critiques à l’encontre de son employeur en présence d’une cliente, a vu sa faute grave reconnue par la cour d’appel et la Cour de cassation.

Ainsi :

  • d’une part, des faits survenant après la convocation à l’entretien préalable au licenciement ont pu être retenus contre une salariée.
  • et, d’autre part, des propos très critiques d’une salariée ont pu justifier un licenciement pour faute grave. Mais, attention, la critique par un salarié de son employeur pour constituer une faute grave doit être très grave et les circonstances de la faute (fautes disciplinaires antérieurement sanctionnées, ou concomitantes ; conséquences ; présence d’un client de l’entreprise ; etc…) seront particulièrement prises en compte.

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Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon- Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui Editeur juridique et relations humaines sur internet.

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