L’inspecteur du travail et le licenciement d’un salarié protégé
Pour licencier un salarié protégé, l’employeur doit demander l’autorisation de l’inspecteur du travail. Quand et comment demander l’autorisation de licenciement ? Comment l’inspecteur du travail décide-t-il ? Pourquoi, la faute grave ou la faute lourde sont-elles pratiquement les seules pouvant déboucher sur une autorisation, si le motif est personnel ? Un recours est-il possible contre la décision de l’inspecteur du travail ? Le licenciement de salarié protégé sans autorisation constitue un délit d’entrave.
Ce qu’il faut savoir et faire avant l’intervention de l’inspecteur du travail
Avant l’intervention de l’inspecteur du travail, l’employeur doit s’interroger, se préparer, enclencher une double procédure et adresser à l’inspecteur du travail la demande d’autorisation de licenciement du salarié protégé.
L’employeur doit s’interroger et se préparer
L’employeur doit s’interroger pour savoir si une autorisation de l’inspecteur du travail a des chances d’être acceptée pour le licenciement du salarié protégé et il doit se préparer.
Un motif de licenciement, suffisant pour un autre salarié ne sera souvent pas suffisant pour un salarié protégé. N’y-a-t-il aucun lien entre le mandat du salarié et le projet de son licenciement ? Quel est le contexte social et de représentation du personnel ? Est-ce que le motif est suffisamment fort, comme par exemple un abandon de poste clairement établi ? Est-ce un licenciement pour faute grave ou lourde, qui est envisagé ? Des preuves ont-elles été réunies ?
En matière de licenciement, le Conseil d’État, a précisé au travers de sa jurisprudence qu’ « il appartient à l’inspecteur du travail de rechercher si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l’ensemble des règles applicables au contrat de travail de l’intéressé et des exigences propres à l’exécution normale du mandat dont il est investi » Conseil d’Etat, 22 décembre 1993, N° : 127018. C’est pourquoi, lorsque le motif de licenciement repose sur un motif personnel, autre qu’un problème d’inaptitude sans possibilité aucune de reclassement, seul un licenciement pour faute grave ou pour faute lourde peut être sérieusement envisagé.
Une double procédure doit être mise en œuvre
Pour licencier un salarié protégé,avant la demande d’autorisation de licenciement à l’inspecteur du travail, l’employeur doit respecter une double procédure qui combine :
- une procédure spécifique, qui comprend la demande d’autorisation à l’inspecteur du travail,
- et la procédure de licenciement de droit commun.
La mise à pied à titre conservatoire du salarié protégé, que prononce l’employeurlorsqu’il y a faute grave ou faute lourde, est mise en place sans avoir à demander l’autorisation à l’inspecteur du travail. Par contre, elle doit être motivée et notifiée à l’inspecteur du travail dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa prise d’effet (article L. 2421-1 et 3 du Code du travail). A défaut elle serait nulle. Si ensuite, le licenciement était refusé par l’autorité administrative, la mise à pied serait annulée et ses effets supprimés de plein droit.
L’entretien préalable au licenciement envisagé, précédé comme pour tous salariés d’une convocation, doit avoir lieu avant la demande d’autorisation à l’inspecteur du travail. Il en est de même de la consultation du comité social et économique sur le projet de licenciement du salarié protégé, qui doit précéder la demande d’autorisation à l’inspecteur du travail.
3 Saisine de l’inspecteur du travail : délais et forme
En l’absence d’une mise à pied, il n’existe pas de délai pour saisir l’inspecteur du travail, du moins tant que le comité n’a pas été consulté.
Par contre, s’il y a eu mise à pied, la demande d’autorisation de licenciement du salarié protégé doit être envoyée dans le délai de 8 jours, après celle-ci.
S’il n’existe ni un comité social et économique, ni un conseil d’entreprise, ou pour un salarié protégé pour lequel la consultation du comité social et économique n’est pas prévu par la loi, l’inspecteur du travail doit être saisi directement.
S’il existe un comité social et économique, ou un conseil d’entreprise, et que le salarié relève d’une catégorie pour laquelle la consultation du comité est prévu par la loi :
- le comité social et économique, ou le conseil d’entreprise doit être consulté avant la demande à l’inspecteur du travail,
- la demande doit être envoyée dans les 15 jours suivant la consultation du comité social et économique, ou du conseil d’entreprise, ou dans les 48 heures si une mise à pied a été mise en œuvre.
La demande d’autorisation à l’inspecteur du travail est faite par lettre recommandée avec accusé de réception.
Elle est accompagnée de tous les éléments d’information nécessaires sur le salarié, notamment ses coordonnées personnelles, sa date d’entrée dans l’entreprise, son emploi, son lieu de travail, ses mandats syndicaux et/ou de représentation du personnel, sans en omettre aucun.
La demande à l’inspecteur du travail précise les motifs du licenciement envisagé, avec l’indication précise des faits allégués et des preuves réunies.
L’application qui a été faite de la double procédure mise en œuvre devra aussi être indiquée de manière précise à l’inspecteur du travail (obligatoirement : convocation à l’entretien préalable et entretien préalable ; et selon le cas : mise à pied conservatoire, consultation du comité social et économique ou du conseil d’entreprise ou d’Etablissement). Le procès-verbal de la réunion de consultation du Comité, ou simplement un extrait du procès-verbal, doit être joint à la demande s’il est disponible.
Rappelons que le procès-verbal, ou l’extrait, est obligatoirement rédigé et signé par le secrétaire du comité, qui est un élu du personnel. Si ce document n’est pas disponible lors de l’envoi de la demande d’autorisation, il devra être communiqué dès que possible. Il pourra l’être jusqu’à la date à laquelle l’inspecteur du travail prendra sa décision. Compte tenu des délais d’approbation des PV, l’absence de celle-ci ne conditionne pas la recevabilité de la demande.
Les précisions ci-dessus reposent notamment sur la loi et sur les précisions ministérielles apportées par la Circulaire DGT n° : 07/2012 du 30 juillet 2012.
L’intervention de l’inspecteur du travail
Une fois saisi, l’inspecteur du travail va procéder à une enquête contradictoire, puis il notifiera sa décision à l’employeur et au salarié protégé. Celle-ci ne sera pas sans suite et conséquences.
L’enquête contradictoire
Dans le cadre de son enquête contradictoire, l’inspecteur du travail doit notamment procéder séparément à l’audition de l’employeur et du salarié protégé. L’un et l’autre peuvent se faire assister lors de cette audition. L’inspecteur du travail pourra, s’il le juge utile, organiser une confrontation entre l’employeur et le salarié, en plus des auditions individuelles, mais pas à leur place.
Au cours de son enquête, l’inspecteur du travail va vérifier l’absence d’une mesure discriminatoire, qui serait liée au mandat de représentation du salarié. L’inspecteur ne doit faire porter son enquête que sur les faits ainsi que sur la qualification qui est apportée au licenciement, tels qu’ils sont invoqués par l’employeur à l’appui de la demande. L’inspecteur du travail vérifie également que la procédure prévue par le Code du travail a bien été respectée.
La décision de l’inspecteur du travail
Sauf en cas de nécessités pour l’enquête justifiant un délai plus long, l’inspecteur du travail rend ensuite sa décision dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la demande de l’employeur. Il peut autoriser ou refuser le licenciement. Sa décision doit dans tous les cas être motivée et notifiée à l’employeur et au salarié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
Même si le motif personnel est établi, l’autorité administrative n’autorisera pas un licenciement qui ne serait « pas dénué de lien avec le mandat » détenu. Il s’agit d’empêcher qu’un employeur profite d’une opportunité de licencier un représentant du personnel, alors qu’il ne l’aurait pas fait avec un autre salarié.
L’inspecteur du travail pourra aussi refuser l’autorisation de licenciement en invoquant un motif d’intérêt général, pour :
- maintenir une représentation syndicale au sein de l’entreprise,
- ou maintenir la paix sociale.
Une demande d’autorisation de licenciement pour faute grave ou lourde, très bien étayée et sans aucun rapport avec le mandat du salarié protégé, aura plus de probabilité d’aboutir que pour un autre motif.
Suite et conséquences de la décision de l’inspecteur du travail
S’il y a refus d’autorisation du licenciement par l’inspecteur du travail, le processus de licenciement est stoppé.
Si, à l’inverse, l’autorisation du licenciement est accordée par l’inspecteur du travail, l’employeur va adresser une lettre de licenciement au salarié protégé dans les formes et avec le contenu habituellement obligatoire. Par contre, la condition de délai pour la notification du licenciement est différente du délai applicable aux autres salariés : l’employeur dispose d’un mois à compter de la notification de l’autorisation administrative de licenciement pour adresser la lettre de licenciement, en recommandée avec accusé de réception. Pour les autres salariés, le délai d’un mois court à partir de l’entretien préalable.
Quel que soit la décision de l’Inspecteur du travail, des recours seront possibles : recours gracieux ou recours hiérarchique et recours contentieux devant le juge administratif de l’autorisation du licenciement.
Par ailleurs, lorsque le licenciement sera notifié après l’autorisation administrative, il sera toujours possible de saisir les juges judiciaires du licenciement pour la part de compétence qui leur reste.
Voir l’article sur les recours après la décision de l’inspecteur du travail.
Article rédigé par Pierre LACREUSE, Sciences-Po Paris, licence en droit et DESS Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, ancien Directeur de la Gestion du personnel et des Relations Sociales, DRH, puis chef d’entreprise (PME), aujourd’hui éditeur juridique et relations humaines sur internet.
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